Conformité à la Constitution de l’obligation d’enregistrement des transactions mettant fin à une instance relative à une autorisation d’urbanisme (article L.600-8 du code de l’urbanisme)

Décision n°2023-1060 QPC du 14 septembre 2023 Mme Hélène C. [Sanction de la méconnaissance de l’obligation d’enregistrement des transactions mettant fin à une instance relative à une autorisation d’urbanisme]

Le Conseil constitutionnel avait été saisi par la Cour de cassation d’une QPC relative à la constitutionnalité du 2e alinéa de l’article L.600-8 du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme.

Cet article prévoit que la transaction par laquelle une personne s’engage à se désister de son recours en annulation contre une autorisation d’urbanisme, en contrepartie d’une somme d’argent ou d’un avantage en nature, doit être enregistrée auprès de l’administration fiscale dans un délai d’un mois.

A défaut d’enregistrement dans ce délai, la contrepartie versée par le pétitionnaire au requérant est réputée sans cause. La contrepartie (une somme d’argent ou le coût des avantages en nature consentis) est alors sujette à répétition :

Toute transaction par laquelle une personne ayant demandé au juge administratif l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager s’engage à se désister de ce recours en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature doit être enregistrée conformément à l’article 635 du code général des impôts.
La contrepartie prévue par une transaction non enregistrée est réputée sans cause et les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des avantages consentis sont sujettes à répétition. L’action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l’obtention de l’avantage en nature. (…)
” (article L.600-8 du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013).

Le pétitionnaire peut donc solliciter la restitution de la contrepartie consentie (par exemple : Civ. 3e, 20 décembre 2018, n°17-27.814 ; Civ. 3e, 19 mars 2020, Sté Carré de l’Estn°19-13.254), sans que le désistement du requérant ne puisse être remis en cause, celui-ci étant définitivement acquis.

Les requérants reprochaient à ce mécanisme de méconnaitre les principes d’égalité devant la loi et devant la justice, ainsi que le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit de propriété.

Le Conseil constitutionnel rejette ces griefs.

Il retient que, si ces dispositions établissent effectivement une différence de traitement entre les parties à la transaction, le requérant se trouve dans une situation différente de celle du pétitionnaire compte tenu de l’objectif poursuivi par le législateur, à savoir “limiter les risques particuliers d’incertitude juridique qui pèsent sur les décisions d’urbanisme et lutter contre les recours abusifs” (pt.10).

Il en déduit que la différence de traitement repose sur une différence de situation et est en rapport direct avec l’objet de la loi, pour valider ces dispositions après avoir écarté les autres griefs.

Cette décision ne porte que sur la conformité du 2e alinéa de l’article L.600-8 du code de l’urbanisme aux droits et libertés que la Constitution garantit.

Le Conseil constitutionnel ne s’est donc pas prononcé sur les modifications apportées à cet article par la loi Loi ELAN (loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 – art. 80).

Il nous semble toutefois que la solution retenue par le Conseil serait identique.

La loi ELAN a d’abord précisé au deuxième alinéa de l’article L.600-8 du code de l’urbanisme que la transaction doit être enregistrée dans le délai d’un mois, mais il s’agit là d’un simple rappel puisque cette condition était déjà imposée par le premier alinéa de cet article.

Elle a ensuite étendu le champ d’application des transactions concernées par l’obligation d’enregistrement aux transactions conclues à un stade pré contentieux, c’est-à-dire aux personnes qui s’engagent “à ne pas introduire de recours”.

Pour écarter le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif, le Conseil constitutionnel retient que “les dispositions contestées n’ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet d’interdire aux personnes intéressées de former un recours contre une autorisation d’urbanisme” et se “bornent à sanctionner la méconnaissance de l’obligation d’enregistrement de la transaction par laquelle l’auteur du recours s’est engagé à se désister” (pt. 14).

Ce raisonnement devrait également s’appliquer aux transactions pré-contentieuses.

A défaut d’enregistrement de ces transactions dans le délai d’un mois, le requérant se trouve en pratique privé de recours.

Mais si l’on suit la lecture littérale de l’article L.600-8 du code de l’urbanisme retenue par le Conseil constitutionnel, dans sa rédaction issue de la loi ELAN, cet article ne prive pas plus les requérants de recours et la privation de leur droit d’agir n’est que la conséquence de la méconnaissance de l’obligation d’enregistrement.

L’obligation d’enregistrement des protocoles prévu par l’article L.600-8 du code de l’urbanisme et la sanction qu’il prévoit perdurent donc selon nous dans leur globalité.

Par Axel Bertrand, avocat associé

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