Droit de la construction

Retour de l’obligation de tentative préalable de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile

Décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile

 

Depuis le 1er octobre 2023, la tentative de résolution amiable redevient obligatoire pour certains litiges avant toute procédure contentieuse. 

Introduit par l’article 4 du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile puis annulé par le Conseil d’Etat en raison de son imprécision (Décision n°436939, 437002 du 22 septembre 2022 du Conseil d’Etat statuant au contentieux publiée au JORF n°0225 du 28 septembre 2022), l’article 750-1 du code de procédure civile a finalement été rétabli par décret n°2023-357 du 11 mai 2023.

 

Depuis le 1er octobre 2023, la tentative de résolution amiable devient obligatoire, pour certains litiges, avant toute saisine du tribunal.

 

Quelles sont les différentes démarches amiables envisageables ?

 

L’article 750-1 du code de procédure civile prévoit que la demande en justice est précédée, au choix des parties :

– d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice ;

– d’une tentative de médiation ;

– ou d’une tentative de procédure participative. 

 

Quelles sont les litiges concernés par l’obligation de démarche amiable préalable ?

 

L’obligation de tenter préalablement une démarche amiable s’impose pour toute demande en justice relative :

– au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ;

– à l’une des actions mentionnées aux articles R.211-3-4 (bornage) et R.211-3-8 du code de l’organisation judiciaire (curage de fossés et canaux, distances de plantations, élagage d’arbres) ;

– à un trouble anormal de voisinage ;

 

Le nouvel article 750-1 du code de procédure civile ne s’applique qu’aux instances introduites à compter du 1er octobre 2023.

 

Quelles sont les cas de dispense de l’obligation de démarche amiable préalable ?

 

L’article 750-1 du code de procédure civile prévoit plusieurs cas dans lesquels les parties sont dispensées de l’obligation de démarche amiable préalable, à savoir :

 

– si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;

– lorsqu’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;

– en cas d’urgence manifeste ;

– si les circonstances de l’espèce rendent impossible une telle tentative ou nécessitent qu’une décision soit rendue non contradictoirement ;

– en cas d’indisponibilité des conciliateurs de justice et si la première réunion de conciliation intervient dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine du conciliateur ;

– si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;

– si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L.125-1 du code de procédure civiles d’exécution.

 

Quelle sanction si aucune tentative de résolution amiable n’est engagée ?

 

L’article 750-1 du code de procédure civile sanctionne l’absence de tentative de démarche amiable préalable en permettant au juge de prononcer d’office l’irrecevabilité de la demande en justice.

 

En conclusion, une mise en demeure préalable ne suffit plus ! Avec le nouvel article 750-1 du code de procédure civile, il convient, pour les litiges visés, de tenter une résolution amiable soit en recourant à un médiateur ou à un conciliateur soit en concluant une convention de procédure participative.

 

Nota bene :  A la différence de la médiation ou de la procédure participative, la conciliation est gratuite. Le site conciliateurs.fr permet de trouver une permanence du Conciliateur de justice proche de chez vous.

 

Par Hélène Saunois, avocate associée 

Précisions sur l’étendue de l’obligation de conseil de l’entrepreneur envers le maître d’ouvrage

Cass., civ. 3ème, 19 octobre 2023, n° 22-18.825


En l’absence de maître d’œuvre, l’entreprise de travaux est tenue d’une obligation de conseil à l’égard du maître d’ouvrage sur les différentes techniques de pose et de l’alerter, au regard de la configuration particulière de l’existant, sur le caractère inhabituel et les contraintes esthétiques de la pose en saillie conseillée.

Rappelons que l’entrepreneur est tenu à une obligation d’information et de conseil à l’égard du maître d’ouvrage.

 

Dans le cas présent, des maîtres d’ouvrage ont confié à une entreprise la réalisation de travaux de remplacement des menuiseries extérieures en bois de certaines façades de leur maison.

 

Se plaignant de défauts de conformité et de finition apparus en cours de chantier, les maîtres d’ouvrages ont recherché la responsabilité de l’entreprise de travaux notamment pour manquement à son obligation de conseil.

 

Condamnée par la cour d’appel de Rennes à payer aux maîtres d’ouvrage la somme de 4000 euros au titre du manquement à son devoir de conseil (CA de Rennes, 4ème chambre, 7 avril 2022, n°20/02040), l’entreprise évoquait que « que si le professionnel est débiteur envers son client d’une obligation de conseil et d’information, cette obligation ne s’applique pas aux faits qui sont de la connaissance de tous ou qui sont faciles à connaître, ou encore à l’égard desquels le client devait se renseigner ».

 

Elle démontrait avoir satisfait à son obligation de conseil, ayant donné aux maîtres d’ouvrage des explications sur la différence entre la pose entre réno-neuf et réno-bois.

 

Se posait la question de savoir si l’entrepreneur avait manqué à son obligation de conseil malgré ces explications données aux maîtres d’ouvrage ?

 

La Cour de cassation répond par l’affirmative et considère :

 

« 5. La cour d’appel a, par motifs propres et adoptés, retenu qu’en l’absence de maître d’oeuvre, la société AFP 29 était tenue d’informer les maîtres de l’ouvrage sur les différentes techniques de pose et de les alerter, au regard de la configuration particulière de l’existant, sur le caractère inhabituel et les contraintes esthétiques de la pose en saillie qu’elle leur conseillait.

 

6. Puis, elle a relevé que si des explications avaient été données sur la différence entre les poses reno-neuf et reno-bois, la société AFP 29 ne s’était pas rendue compte que les menuiseries en place n’étaient pas posées en saillie, que les dormants existants étaient d’épaisseur variable d’une menuiserie à l’autre et que leur remplacement par des dormants d’épaisseur identique allait créer une esthétique d’ensemble particulièrement critiquable donnant une impression de mauvaise finition, qu’ils ne pouvaient pas anticiper à la seule lecture du devis.

 

7. Ayant ainsi retenu que la société AFP 29 n’avait pas attiré l’attention des maîtres de l’ouvrage sur le rendu final de la pose en saillie qu’elle préconisait et de ses limites en termes de fabrication de menuiserie, elle a pu en déduire que celle-ci avait manqué à son obligation de conseil. »

 

L’entrepreneur doit donc veiller à respecter son obligation de conseil à l’égard du maître d’ouvrage dans toute son étendue et ne saurait la limiter à des explications techniques.

 

Hélène SAUNOIS, Avocate associée

 

Dispense de mise en demeure préalable à la résolution unilatérale d’un contrat lorsqu’il résulte des circonstances qu’elle est vaine

Cass., com., 18 octobre 2023, pourvoi n°20-21.579

La procédure de résolution est dispensée de mise en demeure préalable lorsqu’il résulte des circonstances qu’elle est vaine. Constitue une telle dispense, la gravité du comportement de l’un des cocontractants rendant matériellement impossible la poursuite des relations contractuelles.

Deux sociétés entretenaient des relations commerciales depuis plusieurs années. La société Calminia exerce une activité de taille et façonnage du calcaire et du marbre. La société Sodileve est spécialisée dans l’installation et l’entretien de machines et équipements mécaniques.

En décembre 2016, la société Calminia a accepté un devis proposé par la société Sodileve relatif à une prestation de maintenance sur une scie.

A l’occasion de différentes interventions de maintenance sur la scie, les relations entre les parties se sont dégradées.

Par lettre en date du 22 mars 2017, la société Sodileve a indiqué à la société Calminia ne pas poursuivre sa prestation en raison du comportement du dirigeant de cette dernière et l’a assigné en paiement de diverses factures.

La société Calminia faisait notamment valoir que la rupture du contrat n’avait été précédée d’aucune mise en demeure.

Se posait la question de savoir si une mise en demeure préalable est nécessairement indispensable en cas de résolution unilatérale d’un contrat?

Pour rappel, la procédure de résolution est prévue par les dispositions de l’article 1224 du code civil, aux termes desquelles :

« La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. »

L’article 1226 alinéa 1er du code civil précise les modalités de la résolution unilatérale :

« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. »

Aux visas des articles 1224 et 1226 du code civil ci-dessus rappelés, la Cour de cassation considère qu’« une telle mise en demeure n’a cependant pas à être délivrée lorsqu’il résulte des circonstances qu’elle est vaine ».

Dans le cas présent, la Cour de cassation relève que :

« Après avoir relevé qu’il ressort d’attestations versées aux débats que les relations avec les personnels de la société Sodileve intervenant sur le chantier étaient devenues très tendues et conflictuelles, le dirigeant de la société Calminia ayant tenu des propos insultants et méprisants à l’égard de l’un des collaborateurs de la société Sodileve, mettant en cause sa capacité à faire et à suivre le chantier, donnant des ordres directs à l’un des salariés de celle-ci sans en informer sa hiérarchie, l’arrêt retient que si l’agacement de ce dirigeant de voir son outil professionnel hors de fonctionnement peut être compris, cette situation ne pouvait justifier une attitude inacceptable, qu’il s’agisse des propos tenus, ou du fait d’imposer des dates d’intervention non convenues. Il ajoute que ce comportement fautif ne permettait alors plus de poursuivre une intervention dans des conditions acceptables et justifiait le retrait des équipes de l’entreprise, empêchées dans leur exécution contractuelle. Il en déduit que, dans ce contexte d’extrême pression et de rupture relationnelle, la société Sodileve n’était pas en mesure de poursuivre son intervention. »

La Cour de cassation rejette ainsi le pourvoi de la société Calminia au motif que :

« En l’état de ces constatations et appréciations par lesquelles elle a fait ressortir que le comportement du dirigeant de la société Calminia était d’une gravité telle qu’il avait rendu manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de rechercher si une mise en demeure avait été préalablement délivrée à cette société, dès lors qu’elle eût été vaine, a légalement justifié sa décision. »

En conclusion, la procédure de résolution unilatérale peut être dispensée de mise en demeure préalable dans deux cas :

  • En cas d’urgence (article 1226 al 1er du code civil) ;
  • Lorsqu’il résulte des circonstances qu’elle est vaine. La gravité du comportement de l’un des cocontractants rendant matériellement impossible la poursuite des relations contractuelles en est une illustration (Cass., com., 18 octobre 2023, pourvoi n°20-21.579).

Par Hélène SAUNOIS, avocate associée

CCMI avec fourniture de plan et obligation d’information du maître d’ouvrage quant au coût total de la construction projetée

Cass. 3e civ., 13 juill. 2023, n° 22-17.010, Publié au bulletin

 

La Cour de cassation rappelle que le constructeur de maison individuelle avec fourniture de plan a l’obligation « d’informer exactement le maître de l’ouvrage du coût total de la construction projetée, pour lui éviter de s’engager dans une opération qu’il ne pourrait mener à son terme»


En l’espèce, des maîtres de l’ouvrage ont conclu avec une société de construction un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) avec fourniture de plan.

 

Se posait la question du coût de la clôture qui n’avait pas été inclus dans le prix forfaitaire ni chiffré au titre des prestations restant à la charge des maîtres de l’ouvrage.

 

Le constructeur de maison individuelle soutenait qu’il « n’est pas tenu de réaliser des équipements qui ne sont ni prévus par le contrat de construction et ses annexes ni indispensables à l’implantation et à l’utilisation de l’immeuble, quand bien même ils seraient rendus nécessaires par l’autorisation d’urbanisme ».

 

La Cour d’appel de Paris relevait pourtant que :

  • Le PLU en vigueur prévoyait, dans la zone d’implantation de la maison, la clôture des terrains par des haies végétales ;
  • Les plans de la demande de permis de construire faisaient apparaître la clôture ;
  • et le permis de construire était accordé aux maîtres de l’ouvrage sous réserve du respect des prescription relatives aux clôtures. 

Après avoir précisé qu’au visa de l’article L231-2 du code de la construction et de l’habitation :

 

« le contrat de construction avec fourniture du plan doit comporter l’affirmation de la conformité du projet aux règles du code de l’urbanisme, le coût des ouvrages dont la réalisation conditionne l’autorisation de construire doit être intégré dans le prix forfaitaire demandé par le constructeur ou, s’il est laissé à la charge du maître de l’ouvrage, faire l’objet d’un chiffrage de la part du constructeur»

 

La Cour de cassation rappelle que la finalité de ce texte « est d’informer exactement le maître de l’ouvrage du coût total de la construction projetée, pour lui éviter de s’engager dans une opération qu’il ne pourrait mener à son terme ».

 

La cour d’appel de Paris a ainsi exactement déduit que le coût de la clôture devait être mis à la charge du constructeur.

 

En cas de CCMI avec fourniture de plan, soyez vigilants :

  • Il appartient au constructeur d’intégrer dans le prix forfaitaire demandé, le coût des ouvrages dont la réalisation conditionne l‘autorisation de construire ;
  • S’il est convenu de le laisser à la charge du maître de l’ouvrage, le constructeur devra néanmoins décrire et chiffrer le coût de ces travaux.

 

Par Hélène SAUNOIS, avocate associée