Isolation thermique par l’extérieur (ITE) : cadre juridique

Sur une écrasante majorité du territoire français, les logements sont datés d’avant la première réglementation thermique. Ils n’ont pas été conçus pour supporter de grands écarts de températures et ne sont pas adaptés aux conséquences du changement climatique. Une adaptation rapide des logements mal isolés est indispensable.  L’une des techniques d’isolation thermique est l’isolation thermique par l’extérieur (ITE), toutefois soumises à plusieurs contraintes sur le plan juridique,  relatives au respect des règles d’urbanisme et à l’autorisation des éventuels surplombs générés par l’isolation sur le fonds voisin.

Sur une écrasante majorité du territoire français, les logements construits avant 1974, voire avant 1944, sont les plus fréquents (Les conditions de logement en France, édition 2017 – INSEE Références).  

A titre d’exemple, à Paris, 80% des bâtiments sont datés d’avant la première réglementation thermique, c’est-à-dire 1974 (LIRZIN (F.), « Paris face au changement climatique », l’aube, 2022, page 99). 

Ces logements n’ont pas été conçus pour supporter de grands écarts de températures et ne sont pas adaptés aux conséquences du changement climatique, notamment aux vagues de chaleur. 

Pour donner un ordre de grandeur, des chercheurs européens prévoient que le climat devrait se déplacer d’environ 1000 km au nord d’ici 2050 et que le climat méditerranéen s’installera jusqu’à la Loire. Paris devrait donc avoir un climat comparable à celui de Canberra aujourd’hui et connaitre, entre autres, une élévation de l’ordre des températures de +4,3 degrés en été, ainsi que des canicules fréquentes (Ibid, pages 55 et s).

Consécutivement à la lutte contre le changement climatique, une adaptation rapide des logements mal isolés est indispensable.  

Les performances thermiques des constructions nouvelles sont soumises à la RE2020, mais cela n’est pas le cas des logements anciens, qui sont souvent de véritables passoires thermiques. 

Outre le développement d’un urbanisme adapté à ces enjeux, l’isolation thermique de ces logements est indispensable.

L’isolation thermique recouvre « l’ensemble des techniques mises en œuvre pour limiter les déperditions calorifiques (…) allant de l’intérieur des locaux (chauffés) vers l’extérieur quand la température est inférieure à la température intérieure. Une bonne isolation thermique doit être efficace aussi dans le sens inverse, pour améliorer le confort d’été en contribuant au maintien d’une température inférieure à la température extérieure » (DICOBAT page 60).

L’une des techniques les plus répandues est l’isolation des murs par l’intérieur ou par l’extérieur. 

L’isolation thermique par l’extérieur (ITE) a souvent un coût plus important que l’isolation thermique par l’intérieur, mais elle présente l’avantage de ne pas entrainer de pertes de surface intérieure et s’adapte particulièrement aux petites surfaces. 

La réalisation d’une ITE est toutefois soumises à plusieurs contraintes sur le plan juridique. 

Elle doit d’abord respecter les règles d’urbanisme en vigueur (1.). Les éventuels surplombs générés par l’isolation sur le fonds voisin ou sur le domaine public doivent ensuite être autorisés (2.). 

1.    L’autorisation des ITE au regard des règles d’urbanisme 

La réalisation d’une ITE est a minima soumise à déclaration préalable en ce qu’elle a pour effet de modifier l’aspect extérieur d’un bâtiment existant (article R.421-17 du code de l’urbanisme). 

Les travaux peuvent également être soumis à permis de construire s’ils sont accompagnés d’autres modifications, notamment si ces travaux génèrent plus de 20 m2 d’emprise au sol ou de surface de plancher (article R.421-14 du code de l’urbanisme).  

Dans tous les cas, l’autorisation d’urbanisme ne pourra être délivrée que si le projet est conforme aux règles d’urbanisme, ce qu’il convient d’étudier avant tout dépôt d’une demande d’autorisation et, a fortiori, avant toute réalisation de travaux.

Sont ici essentiellement concernées les règles régissant l’implantation des constructions ainsi que les règles esthétiques. 

S’agissant des constructions anciennes, il n’est pas rare que ces règles ne permettent pas la réalisation d’une ITE, notamment dans les grandes villes, lorsque le retrait des constructions avec les limites séparatives imposé par le PLU n’est pas respecté. 

Plusieurs solutions peuvent cependant permettre d’obtenir l’autorisation sollicitée. 

– Le PLU peut d’abord prévoir des alternatives pour les ITE. Le PLU peut par exemple prévoir d’autoriser les dispositifs d’ITE, avec ou sans épaisseur limite, dans les marges de recul. 

– Une dérogation aux règles d’implantation et à l’aspect extérieur peut ensuite être sollicitée par le pétitionnaire. 

Cette possibilité issue de l’article 7 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, initialement prévue à l’ancien article L.123-5-2 du code de l’urbanisme, est désormais codifiée au 1° de l’article L.152-5 du code de l’urbanisme.

Une autorisation d’urbanisme peut ainsi déroger aux règles du PLU relatives à l’emprise au sol, à la hauteur, à l’implantation et à l’aspect extérieur des constructions pour la mise en œuvre d’une ITE sur les constructions existantes.

Cette dérogation doit être sollicité par le pétitionnaire en joignant une note descriptive précisant la nature de la dérogation demandée et justifiant du respect des conditions prévues par le code de l’urbanisme pour en bénéficier (article R.431-31-2 du code urbanisme).

Elle ne peut être accordée que par une décision motivée et n’est pas applicable aux secteurs protégés (immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, immeubles protégés au titre des abords, immeubles situés dans le périmètre d’un SPR et immeubles et éléments de patrimoine protégés au titre de l’article L.151-19 du code de l’urbanisme). 

Les conditions de cette dérogation ont été précisées par le décret n° 2016-802 du 15 juin 2016 facilitant la délivrance d’une autorisation d’urbanisme pour la mise en œuvre d’une isolation thermique ou d’une protection contre le rayonnement solaire.

Le dépassement autorisé ne peut d’abord excéder 30 centimètres par rapport aux règles d’implantation des constructions autorisées par le règlement du PLU (article R.152-6 du code de l’urbanisme). 

La surépaisseur qui résulte de l’ITE doit ensuite « être adaptée au mode constructif et aux caractéristiques techniques et architecturales de la façade ou de la toiture et ne doit pas porter atteinte à la qualité architecturale du bâtiment et à son insertion dans le cadre bâti environnant » (article R.152-9 du code de l’urbanisme), ce qui doit faire l’objet d’une justification dans la notice.

La dérogation ne concerne enfin que les constructions achevées depuis plus de deux ans à la date de dépôt de la demande de dérogation (article R.152-5 du code de l’urbanisme). 

Ces dispositifs permettent de réaliser une ITE sous l’angle des règles d’urbanisme. Mais ils ne permettent pas d’autoriser les surplombs que peuvent générer ces dispositifs sur un fonds voisin ou sur le domaine public. 

2.    L’autorisation des surplombs générés par l’ITE 

Tout dispositif d’ITE génère une certaine épaisseur pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines de centimètres et créer un surplomb. 

– Si le surplomb est généré sur le domaine public, une pièce exprimant l’accord exprès du gestionnaire du domaine doit impérativement être jointe à la demande (article R.431-13 du code de l’urbanisme).

– Si le surplomb est généré sur un fonds privé, en limite séparative, aucune pièce n’est à joindre à la demande d’autorisation. Cependant, l’accord du voisin s’impose systématiquement. 

Jusqu’à peu, cet accord devait être matérialisé par la conclusion d’une servitude de surplomb et d’une servitude de tour d’échelle pour la réalisation des travaux d’ITE. 

Un droit de surplomb a cependant été créé pour la réalisation d’une ITE, sous certaines conditions, par l’article 172 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat. Ses modalités ont été précisées par le décret n° 2022-926 du 23 juin 2022 relatif au droit de surplomb pour l’isolation thermique par l’extérieur d’un bâtiment.

L’article L.113-5-1 du CCH prévoit désormais que « le propriétaire d’un bâtiment existant qui procède à son isolation thermique par l’extérieur bénéficie d’un droit de surplomb du fonds voisin de trente-cinq centimètres ».

Sur ce point, la notion de « bâtiment existant » n’a pas été définie par le législateur. 

A l’évidence, il ne s’agit pas des bâtiments existants au jour de la publication de la loi Climat. De manière négative, il pourrait s’agir toutes les constructions, à l’exclusion de celles en cours de construction, qui ne pourraient pas bénéficier du droit de surplomb. 

Par analogie avec les demandes de dérogation aux règles d’urbanisme (voir supra), il pourrait aussi s’agir des constructions achevées depuis plus de deux ans.

Cela reste toutefois incertain puisque les nouvelles constructions sont soumises à la RE2020. On voit mal en quoi ces constructions seraient susceptibles de bénéficier du droit de surplomb, avant tout destiné aux constructions les plus anciennes et aux passoires énergétiques. 

Plusieurs conditions sont de plus prévues pour faire valoir son droit de surplomb. 

Sur le fond, il faut, soit qu’aucune autre solution technique ne permet d’atteindre un niveau d’efficacité énergétique équivalent à celle de l’ITE, soit que cette autre solution présente un coût ou une complexité excessifs. 

L’ITE ne peut de plus être réalisée qu’à deux mètres au moins au-dessus du pied du mur, du pied de l’héberge ou du sol, sauf accord contraire des propriétaires des deux fonds sur une hauteur inférieure.

Enfin, une indemnité préalable est due au propriétaire du fonds surplombé.

Sur la forme, les modalités de mise en œuvre de ce droit doivent être constatées par acte authentique ou par décision de justice.

Pour la réalisation des travaux, le législateur a en outre prévu l’équivalent d’une servitude de tour d’échelle.

Le droit de surplomb emporte ainsi le droit d’accéder temporairement à l’immeuble voisin afin d’y mettre en place les installations provisoires strictement nécessaires à la réalisation des travaux. Ce qui suppose la conclusion d’une convention ayant pour objet de définir les modalités de mise en œuvre de ce droit, ce dans les conditions prévues par l’article R.113-20 du CCH (localisation et périmètre de l’accès au fonds, nature des installations provisoires etc.).

Là encore, une indemnité est due au propriétaire de l’immeuble voisin.

Pour la mise en œuvre du droit de surplomb, un mécanisme d’information du voisin est prévu. Le propriétaire du bâtiment à isoler doit notifier au propriétaire du fonds voisin son intention de réaliser une ITE en surplomb de son fonds et de bénéficier du droit de surplomb par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier de justice, dans les conditions prévues par l’article R.113-19 du CCH. 

Le propriétaire du fonds voisin peut alors s’opposer à l’exercice du droit de surplomb pour un motif sérieux et légitime, ou pour la méconnaissance des conditions relatives au droit de surplomb dans un délai de 6 mois, ce en saisissant le président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble à surplomber (article R.113-21 du CCH).

Ce délai lui permet également de saisir le juge en fixation du montant de l’indemnité qui lui est due au titre du droit de surplomb ou du droit d’accès à son fonds. 

Ce n’est qu’après signature de l’acte authentique relatif au droit de surplomb et de la convention relative au droit d’accès, ou après l’intervention de la décision du président du tribunal judiciaire, une fois devenue définitive, que le propriétaire du bâtiment à isoler peut réaliser les travaux, après s’être acquitté des indemnités dues au propriétaire du fonds voisin (article R.113-23 du CCH).


Par Axel BERTRAND