Par une décision du 5 septembre 2024 (n°21-21970), la Cour de cassation rappelle que l’architecte, contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de concevoir un bâtiment d’habitation satisfaisant aux normes applicables en matière d’accessibilité aux personnes handicapées, engage sa responsabilité contractuelle en cas de défaut de conception, résultant du non-respect des prescriptions réglementaires en matière d’accessibilité des bâtiments d’habitation aux personnes handicapées, et l’oblige à réparer le préjudice en résultant selon les principes généraux de la responsabilité civile.
En l’espèce, une SCI confie à un architecte la maîtrise d’œuvre complète des travaux de construction d’un immeuble, composé d’un local professionnel au rez-de-chaussée et de deux logements d’habitation à l’étage.
En cours de travaux, la SCI fait intervenir un bureau de contrôle qui met en évidence diverses malfaçons affectant l’immeuble en lien avec une erreur d’implantation et une absence de conformité avec certaines normes de sécurité incendie et d’accessibilité.
La SCI refuse la réception de l’ouvrage et après expertise, assigne l’assureur de l’architecte devant la juridiction judiciaire.
Règle d’accessibilité des bâtiments d’habitation aux personnes handicapées, en vigueur au moment de la construction de l’immeuble
La Cour de cassation rappelle les dispositions de l’article R.111-18 (aujourd’hui abrogé) du code de la construction et de l’habitation, applicable au litige, et aux termes desquelles :
« Les bâtiments d’habitation collectifs et leurs abords doivent être construits et aménagés de façon à être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap. Au sens de la présente sous-section, est considéré comme un bâtiment d’habitation collectif tout bâtiment dans lequel sont superposés, même partiellement, plus de deux logements distincts. »
L’ouvrage construit consistait en un « immeuble composé d’un local professionnel au rez-de-chaussée, destiné à l’implantation d’un cabinet dentaire, et de deux logements à usage d’habitation à l’étage » et était dès lors considéré comme un bâtiment d’habitation collectif au sens des règles d’accessibilité.
De sorte que, dans la configuration de l’immeuble, un ascenseur était obligatoire.
Responsabilité contractuelle de l’architecte
La Cour de cassation rappelle ensuite que « l’architecte est contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de concevoir un bâtiment d’habitation satisfaisant aux normes applicables en matière d’accessibilité aux personnes handicapées ».
La responsabilité contractuelle de l’architecte subsiste même lorsque l’ouvrage est réceptionné, en cas de dommages résultant d’un manquement à son obligation d’information et de conseil.
La Cour juge ainsi que « le défaut de conception, résultant du non-respect des prescriptions réglementaires en matière d’accessibilité des bâtiments d’habitation aux personnes handicapées, en vigueur au moment de la construction de l’immeuble, engageait sa responsabilité contractuelle et, par motifs propres, l’obligeait à réparer le préjudice en résultant selon les principes généraux de la responsabilité civile ».
Dans le cas présent, l’ascenseur faisait défaut. L’immeuble ne répondait donc pas aux normes d’accessibilité aux personnes handicapées.
En outre, la construction d’un ascenseur au sein de l’immeuble n’était pas envisageable s’il fallait respecter la réglementation sur les circulations à l’intérieur du bâtiment.
Seule une extension de l’immeuble aurait pu l’envisager mais le PLU l’interdisait.
Faute de toute autre solution technique permettant de rendre l’immeuble conforme à la réglementation et donc de réparer le dommage subi par la SCI, la Cour de cassation fait usage de son contrôle de proportionnalité pour condamner l’assureur de l’architecte à une indemnisation correspondant au coût de la démolition-reconstruction de l’ouvrage :
« Ayant ainsi caractérisé l’absence de toute autre solution technique susceptible, en rendant l’immeuble conforme à la réglementation, de réparer le dommage subi par la SCI, elle a pu en déduire, peu important les autres désordres ou malfaçons constatés, dès lors que la nécessité de reconstruire l’immeuble résultait uniquement de l’absence d’ascenseur, que le paiement d’une indemnité correspondant au coût de la démolition-reconstruction n’était pas disproportionné au regard de la non-conformité réglementaire constatée. »
En ce qui concerne l’accessibilité des personnes handicapées, l’architecte doit être particulièrement attentif à son devoir d’information et de conseil lors de la conception de son projet. Une erreur de conception pourrait avoir de lourdes conséquences financières pour lui.