Urbanisme & aménagement

Le recours contre une décision constatant l’absence de caducité d’un permis de construire doit être notifié

Le Conseil d’Etat juge que l’obligation de notification prévue par l’article R.600-1 du code de l’urbanisme s’applique aux appels et pourvois en cassation introduits contre une décision juridictionnelle qui constate l’absence de caducité d’un permis de construire (CE, 12 avril 2023, société Cystaim V3 n°456141, publié aux tables du recueil Lebon).

L’article R.600-1 du code de l’urbanisme prévoit que tout recours administratif ou contentieux introduit contre un certificat d’urbanisme ou une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol doit être notifié à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation à peine d’irrecevabilité.

La notification doit être faite par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai franc de 15 jours à compter du dépôt du recours, cette formalité étant réputée accomplie à la date d’envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception.

Cette notification doit également être faite en cas d’appel ou de pourvoi en cassation contre une décision juridictionnelle relative à ces mêmes décisions (article R.600-1 du code de l’urbanisme).

L’article R.600-1 du code de l’urbanisme a fait l’objet de plusieurs modifications. 

Le Conseil d’Etat avait déjà jugé que l’obligation de notification s’appliquait aux appels ou pourvois en cassation contre une décision juridictionnelle constatant l’absence de caducité d’un permis de construire sous l’empire des anciennes dispositions l’article R.600-1 du code de l’urbanisme issues de l’article 4 du décret n°2000-389 du 4 mai 2000 (CE, 30 avril 2003, Secrétaire d’Etat au Logement c/ SNC Norminter lyonnais, n°237039).

N’étaient en revanche pas concernés les recours introduits contre une décision constatant la caducité d’une autorisation d’urbanisme (CE, 25 septembre 2013, M. Maunoury, n°351103).

Dans le premier cas, le pétitionnaire demeure en effet titulaire d’une autorisation, tandis que ce n’est pas le cas dans le second puis le permis est caduc. 

Le champ matériel des décisions concernées par l’obligation de notification a été modifié, notamment par le décret n°2007-18 du 5 janvier 2007 pris pour l’application de l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme puis par le décret n°2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du code de justice administrative et du code de l’urbanisme.

Par une décision du 12 avril 2023 (n°460754), le Conseil d’Etat confirme que l’obligation de notification prévue par l’article R.600-1 du code de l’urbanisme s’applique aux appels et pourvois en cassation introduits contre une décision juridictionnelle qui constate la caducité d’un permis de construire :

“2. Aux termes de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue du décret du 17 juillet 2018 portant modification du code de justice administrative et du code de l’urbanisme applicable au litige : « En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, ou d’une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un certificat d’urbanisme, ou une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code. L’auteur d’un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif ». Il résulte du III de l’article 9 du décret du 17 juillet 2018 que cette rédaction était applicable aux requêtes dirigées contre des décisions, administratives ou juridictionnelles, intervenues après le 1er octobre 2018 ;

3. La notification prévue par ces dispositions, qui ont pour objet de renforcer la sécurité juridique des titulaires d’autorisation de construire, doit être effectuée, à peine d’irrecevabilité, par le requérant qui interjette appel ou se pourvoit en cassation contre une décision juridictionnelle qui constate l’absence de caducité d’un permis de construire, et annule, pour ce motif, une décision constatant cette caducité.”

Les recours introduits contre une décision refusant de constater la caducité d’une autorisation d’urbanisme devraient donc également être soumis à l’obligation de notification. 

Compte-tenu de la rédaction très étendue des dispositions de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme, nous recommandons toutefois de notifier tout type de recours, dès lors qu’il concerne une autorisation d’urbanisme, à l’exception des permis modificatifs et de régularisation communiqués aux parties dans le cadre prévu par l’article L.600-5-2 du code de l’urbanisme.


Axel Bertrand, avocat associé

La cristallisation des moyens s’applique aux permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale

Le Conseil d’Etat juge que le mécanisme de cristallisation des moyens prévu par l’article R.600-5 du code de l’urbanisme s’applique aux permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale (CE, 4 avril 2023, société Distribution Casino France, n°460754, publié au recueil Lebon).

Lorsqu’un projet est soumis à autorisation d’exploitation commerciale (AEC), le permis de construire (PC) tient lieu d’AEC si la demande a fait l’objet d’un avis favorable de la Commission Départementale d’Aménagement Commercial (CDAC) ou de la Commission Nationale (article L.425-4 du code de l’urbanisme).

Le Conseil d’Etat avait déjà indiqué que les dispositions de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme, qui imposent au requérant de notifier son recours contre une autorisation d’urbanisme à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation, s’appliquent aux PC valant AEC (CE, avis, 23 décembre 2016, société MDVP Distribution, n°398077).

L’article R.600-5 du code de l’urbanisme prévoit qu’en cas de recours contre une autorisation d’urbanisme, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux à compter d’un délai de deux mois suivant la communication du premier mémoire en défense.

Se posait la question de savoir si ce mécanisme de cristallisation des moyens s’applique ou non aux PC valant AEC. 

Par une décision du 4 avril 2023 (n°460754), le Conseil d’Etat répond par l’affirmative. 

Il rappelle que les dispositions relatives au contentieux de l’urbanisme contenues dans le code de l’urbanisme s’appliquent aux recours en annulation formés contre les permis de construire qui tiennent lieu d’autorisation au titre d’une autre législation, sauf disposition contraire de cette dernière (article L.600-13 du code de l’urbanisme).

Aucune disposition du code de commerce ne s’oppose à la cristallisation des moyens prévue par l’article R.600-5 du code de l’urbanisme. 

Il en déduit que ce mécanisme s’applique aux recours introduits contre des permis de construire valant AEC : 

“Il résulte de ces dispositions que la cristallisation des moyens prévue par les dispositions de l’article R. 600-5 du code de l’urbanisme s’applique au recours formé contre un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale par une personne mentionnée à l’article L. 752-17 du code de commerce.” 

Lorsqu’un recours en annulation est introduit contre un PC valant AEC, les parties ne peuvent donc plus invoquer de moyens nouveaux à compter d’un délai de deux mois suivant la communication du premier mémoire en défense.

Le calendrier contentieux doit donc faire l’objet d’une attention particulière.
 
Axel Bertrand, avocat associé

Quelle destination pour les dark stores et les dark kitchens ?

Après que le Conseil d’Etat (CE, 23 mars 2023, Ville de Paris, n°468360) ait jugé que des dark kitchens et dark stores relèvent de la sous-destination « entrepôts », le lendemain, deux textes ont été publiés au JORF, faisant pour l’essentiel relever les dark stores de la sous-destination « entrepôts » et créant une nouvelle sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne » pour les dark kitchens.

Contexte

Les dark stores sont des locaux de stockage dédiés à la livraison rapide, le plus souvent par des livreurs à bicyclette, de produits d’épicerie commandés par des clients sur internet.  

Les dark kitchens sont des locaux dans lesquels sont préparés des repas destinés à être livrés rapidement, là aussi par des livreurs à bicyclette le plus souvent, et/ou retirés sur place, suite à une commande internet.

Les points communs entre ces deux activités sont la rapidité du service proposé, la livraison devant être faite dans un temps très réduit, et l’absence d’accueil de la clientèle dans les locaux, sauf, éventuellement, pour effectuer des retraits.

Ces activités de quick commerce se sont considérablement développées depuis la crise sanitaire, souvent dans des locaux exploités initialement par des commerces.

Ils sont également générateurs de nuisances (bruit, odeurs, stationnement anarchique, malpropreté…) pour les riverains.

Dans un premier temps, le Gouvernement avait envisagé de classer les dark stores et dark kitchens parmi les commerces de détail, ce qui aurait facilité leur développement.  

Ce projet avait fait réagir de nombreux élus, notamment à Paris où la Mairie demandait au Gouvernement que ces activités soient considérées comme des entrepôts.

En septembre 2022, le Gouvernement avait finalement annoncé que les dark stores seraient considérés comme des entrepôts et qu’une nouvelle « catégorie » serait créée pour les dark kitchens.

C’est chose faite avec un décret et un arrêté du 22 mars 2023 publiés au JORF du 24 mars 2023.

La veille, le Conseil d’Etat avait jugé que les dark kitchens et dark kitchens relèvent de la sous-destination d’entrepôt.

 

La question du changement de destination non autorisé

Rappelons que les changements de destination sont a minima soumis à déclaration préalable au titre de l’article R.421-17 du code de l’urbanisme.

Les différentes destinations sont prévues par l’article R.151-27 du code de l’urbanisme, au nombre desquelles figurent les constructions à destination de « commerce et activités de service » et les « autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire ».

Chaque destination comprend plusieurs sous-destinations prévues par larticle R.151-28 du code de l’urbanisme.

A ce titre, les constructions à destination de « commerce et activités de service » comprennent les activités d’« artisanat et commerce de détail », et les « autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire » comprennent les « entrepôts ».

Le contenu de ces sous-destinations étant précisé par un arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d’urbanisme et les règlements des plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu.

Se posait la question de savoir si les dark kitchens et les dark stores relevaient de la sous-destination « artisanat et commerce de détail » ou « entrepôts », ainsi que le sujet d’un changement de destination non autorisé.

 

La décision du Conseil d’Etat du 23 mars 2023 : les dark stores et les dark kitchens sont des entrepôts

La Ville de Paris avait mis en demeure les sociétés FRICHTI et GORILLAS TECHNOLOGIES FRANCE de restituer sous astreinte plusieurs de leurs locaux dans leur état d’origine, sur le fondement des dispositions l’article L.481-1 du code de l’urbanisme.

Ces dernières, issues de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, permettent en effet à l’administration de mettre en demeure, le cas échéant sous astreinte, une personne ayant exécuté des travaux en méconnaissance de certaines règles d’urbanisme.

L’objet de cette mise en demeure étant d’obtenir la régularisation de la situation, soit par des travaux, soit par le dépôt d’une demande d’autorisation d’urbanisme.

Les deux sociétés exploitent une activité de livraison rapide de commandes de produits d’épicerie et de repas préparés par des livreurs à bicyclette, dans des locaux commerciaux.

Pour la Ville de Paris, ces sociétés exploitaient une activité relevant de la sous-destination « entrepôt » dans des locaux relevant du « commerce et activités de service ».

Ce qui aurait dû faire l’objet d’un changement de destination.

Le 1° de l’article UG 2.2.2 du PLU de Paris interdisant la transformation de locaux existants en rez-de-chaussée sur rue en entrepôts, la Ville de Paris avait donc mis en demeure les deux sociétés de régulariser la situation en restituant aux locaux concernés leur état d’origine.

Le dépôt d’une déclaration préalable n’aurait en effet pas permis de régulariser la situation, la transformation de ces locaux commerciaux en entrepôts n’étant pas autorisée par le PLU.

Saisi d’une requête en référé-suspension, le Tribunal administratif de Paris avait suspendu l’exécution des différentes mises en demeure prises par la Ville de Paris (TA Paris, 5 octobre 2022, sociétés Frichti et Gorillas Technologies France, n°2219412/4).

Le Juge des référés avait considéré, d’une part, qu’il existait un doute sérieux sur la légalité de ces décisions en ce que l’article L.481-1 du code de l’urbanisme ne se réfère qu’aux « travaux ».

Seul un changement de destination était en effet en cause et non des travaux « matériels ».

Et, d’autre part, que l’activité exploitée dans ces locaux était susceptible de présenter un intérêt collectif et ainsi de relever des espaces de logistiques urbaine au sens du règlement du PLU de Paris se rattachant aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif (CINASPIC).

Le Conseil d’Etat censure ce raisonnement (CE, 23 mars 2023, Ville de Parisn°468360).

Il précise d’abord que si l’article L.481-1 du code de l’urbanisme se réfère aux seuls « travaux », il s’applique à « l’ensemble des opérations soumises à permis de construire, permis d’aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensée, à titre dérogatoire, d’une telle formalité et qui auraient été entreprises ou exécutées irrégulièrement ».

Les dispositions de l’article L.481-1 du code de l’urbanisme s’appliquent donc bien aux changements de destination irrégulièrement réalisés, et non uniquement aux travaux matériels.

Le Conseil d’Etat juge ensuite que l’activité exploitée par les sociétés FRICHTI et GORILLAS TECHNOLOGIES France relève de la sous-destination « entrepôt », « même si des points de retrait peuvent y être installés ».

De sorte que leur activité constituait un changement de destination soumis à déclaration préalable qui, au cas présent, ne pouvait être régularisé que par la restitution de l’état d’origine des locaux au regard du PLU de Paris.  

 

Le décret et l’arrêté du 22 mars 2023 : modification de plusieurs sous-destinations et création de la sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne »

Le lendemain de la décision du Conseil d’Etat, deux textes ont été publiés au JORF (du 24 mars 2023) ayant pour objet de préciser la destination des dark stores et dark kitchens.

Le décret du 22 mars 2023 :

Il s’agit du décret n°2023-195 du 22 mars 2023 portant diverses mesures relatives aux destinations et sous-destinations des constructions pouvant être réglementées par les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu.

Précisons que ses dispositions n’entrent en vigueur que le 1er juillet 2023 et ne s’appliquent pas aux PLU et aux documents en tenant lieu dont les procédures d’élaboration ou d’évolution ont été engagées avant cette date, sauf si la collectivité décide d’en faire application (article 2 du décret du 22 mars 2023).

L’article 1er du décret modifie l’article R.151-28 du code de l’urbanisme et créé, au sein de la destination « autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire » (à laquelle il ajoute le secteur primaire), une nouvelle sous-destination intitulée « cuisine dédiée à la vente en ligne », distincte de celle d’entrepôt.

La destination « autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire » contiendra donc désormais les 5 sous-destinations suivantes : « industrie, entrepôt, bureau, centre de congrès et d’exposition, cuisine dédiée à la vente en ligne ».

L’arrêté du 22 mars 2023 :

Il s’agit de l’arrêté du 22 mars 2023 modifiant la définition des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées dans les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu.

  • Cet arrêté modifie d’abord le contenu de la sous-destination « artisanat et commerce de détail » qui relève des constructions à destination de « commerce et activité de service ».

Cette sous-destination recouvre désormais « les constructions destinées aux activités artisanales de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services, les constructions commerciales avec surface de vente destinées à la présentation ou à l’exposition de biens et de marchandises proposées à la vente au détail à une clientèle, ainsi que les locaux dans lesquels sont exclusivement retirés par les clients les produits stockés commandés par voie télématique ».

  • L’arrêté du 22 mars 2023 modifie ensuite la sous-destination « restauration » qui relève également des constructions à destination de « commerce et activité de service ».

Selon ce texte, la sous-destination « restauration » recouvre « les constructions destinées à la restauration sur place ou à emporter avec accueil d’une clientèle ».

  • L’arrêté du 22 mars 2023 modifie de plus la sous-destination « entrepôt » qui relève des constructions à destination d’« autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire ».

La sous-destination “entrepôt” recouvre désormais « les constructions destinées à la logistique, au stockage ou à l’entreposage des biens sans surface de vente, les points permanents de livraison ou de livraison et de retrait d’achats au détail commandés par voie télématique, ainsi que les locaux hébergeant les centres de données. ».

  • L’arrêté du 22 mars 2023 précise enfin le contenu de la nouvelle sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne », qui relève également des constructions à destination d’« autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire ».

La sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne » recouvre « les constructions destinées à la préparation de repas commandés par voie télématique. Ces commandes sont soit livrées au client soit récupérées sur place ».

 

Impact sur la destination des dark stores et des dark kitchen

Quel est l’impact de ces modifications sur les dark stores et les dark kitchens 

S’agissant des dark stores :

Les dark stores devraient désormais être qualifiés d’entrepôts puisque la sous-destination « entrepôt » comprend désormais « les points permanents de livraison ou de livraison et de retrait d’achats au détail commandés par voie télématique ».

Dès lors qu’un dark store fait de la livraison, ou de la livraison et du retrait, il devrait donc relever de la sous-destination « entrepôt ».

Si toutefois un dark store ne devait faire que du retrait, il serait en revanche susceptible de relever de la sous-destination « artisanat et commerce de détail » puisque cette dernière comprend « les locaux dans lesquels sont exclusivement retirés par les clients les produits stockés commandés par voie télématique ».

Cette hypothèse est toutefois peu probable puisque le retrait n’est pas la fonction première des dark stores, mais celle des drives. Ou alors le dark store tomberait précisément dans ce type d’activité.

Ce qui explique d’ailleurs que l’activité de retrait de produits ne peut relever de la sous-destination « artisanat et commerce de détail » que si elle est exclusive.

A partir du moment où les produits sont également livrés, même s’il y aussi la possibilité de les retirer sur place, l’activité relève donc de la sous-destination « entrepôt ».

S’agissant des dark kitchens :

Les dark kitchens devraient pour leur part relever de la sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne », créée à cette fin, puisque leur activité porte sur la livraison ou le retrait de commandes, ou les deux.

Les restaurants ayant une activité de livraison et/ou de retrait sont-ils alors également susceptibles de relever de cette sous-destination ?

A notre sens, cela est à exclure dès lors que la sous-destination « restauration »  comprend les constructions destinées à la restauration sur place, mais aussi à emporter, lorsqu’il y a accueil d’une clientèle.

L’accueil de la clientèle permettant précisément de faire un distinguo entre ce qui relève des dark kitchens et les restaurants.

L’activité de livraison et/ou de retrait n’étant de plus qu’accessoire pour les restaurants, dans la plupart des cas. Elle ne peut donc avoir que la même sous-destination que l’activité principale de « restauration » (article R.151-29 du code de l’urbanisme).

 

Axel Bertrand, avocat associé

Comment calculer la surface de plancher ?

Le calcul de la surface de plancher (SDP) est essentiel à tout projet de construction puisqu’il permet notamment de déterminer si une autorisation d’urbanisme est requise et laquelle, si le projet est soumis à l’obligation de recourir à un architecte, ou encore les conditions d’opposabilité du Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT).

Permis de construire modificatif et régularisation par changement de circonstances

Un permis de construire modificatif peut régulariser un permis initial non conforme si la règle méconnue ne l’est plus du fait d’un changement dans les circonstances de fait (CE, 10 octobre 2022, Société Territoires Soixante-Deux, n°451530).

Il est constant qu’un permis de construire non conforme aux règles d’urbanisme peut être régularisé par la délivrance d’un permis de construire modificatif (CE, 2 février 2004, SCI La Fontaine de Villiers, n°238315). 

Le Conseil d’Etat avait déjà jugé que la régularisation d’un permis initial par un permis modificatif peut résulter de l’évolution des règles d’urbanisme méconnues. Il est donc possible de faire évoluer les règles d’urbanisme méconnues, après délivrance du permis initial, afin d’assurer la conformité du projet à ces règles d’urbanisme (CE, 7 mars 2018, Mme Bloch, n°404079).

Par une décision du 10 octobre 2022, le Conseil d’Etat va encore plus loin et juge que le permis initial peut être régularisé par un permis modificatif si la règle d’urbanisme méconnue ne l’est plus en raison “d’un changement dans les circonstances de fait” (CE, 10 octobre 2022, Société Territoires Soixante-Deux, n°451530).

Il s’agissait en l’occurrence d’un projet de parc d’activité soumis à la loi littoral. 

Cette dernière prévoit que l’extension de l’urbanisation ne peut se faire qu’en continuité de l’existant. 

Lorsqu’un permis modificatif a été délivré, le Conseil d’Etat en déduit que le respect du principe d’extension de l’urbanisation en continuité doit dès lors s’apprécier à la date de la délivrance du permis modificatif. Il faut autrement dit tenir compte des constructions qui n’avaient pas été réalisées à la date de délivrance du permis initial. 

Ce qui laisse place à l’imagination pour des perspectives (très) élargies de régularisation.

Par Axel BERTRAND

Isolation thermique par l’extérieur (ITE) : cadre juridique

Sur une écrasante majorité du territoire français, les logements sont datés d’avant la première réglementation thermique. Ils n’ont pas été conçus pour supporter de grands écarts de températures et ne sont pas adaptés aux conséquences du changement climatique. Une adaptation rapide des logements mal isolés est indispensable.  L’une des techniques d’isolation thermique est l’isolation thermique par l’extérieur (ITE), toutefois soumises à plusieurs contraintes sur le plan juridique,  relatives au respect des règles d’urbanisme et à l’autorisation des éventuels surplombs générés par l’isolation sur le fonds voisin.

Sur une écrasante majorité du territoire français, les logements construits avant 1974, voire avant 1944, sont les plus fréquents (Les conditions de logement en France, édition 2017 – INSEE Références).  

A titre d’exemple, à Paris, 80% des bâtiments sont datés d’avant la première réglementation thermique, c’est-à-dire 1974 (LIRZIN (F.), « Paris face au changement climatique », l’aube, 2022, page 99). 

Ces logements n’ont pas été conçus pour supporter de grands écarts de températures et ne sont pas adaptés aux conséquences du changement climatique, notamment aux vagues de chaleur. 

Pour donner un ordre de grandeur, des chercheurs européens prévoient que le climat devrait se déplacer d’environ 1000 km au nord d’ici 2050 et que le climat méditerranéen s’installera jusqu’à la Loire. Paris devrait donc avoir un climat comparable à celui de Canberra aujourd’hui et connaitre, entre autres, une élévation de l’ordre des températures de +4,3 degrés en été, ainsi que des canicules fréquentes (Ibid, pages 55 et s).

Consécutivement à la lutte contre le changement climatique, une adaptation rapide des logements mal isolés est indispensable.  

Les performances thermiques des constructions nouvelles sont soumises à la RE2020, mais cela n’est pas le cas des logements anciens, qui sont souvent de véritables passoires thermiques. 

Outre le développement d’un urbanisme adapté à ces enjeux, l’isolation thermique de ces logements est indispensable.

L’isolation thermique recouvre « l’ensemble des techniques mises en œuvre pour limiter les déperditions calorifiques (…) allant de l’intérieur des locaux (chauffés) vers l’extérieur quand la température est inférieure à la température intérieure. Une bonne isolation thermique doit être efficace aussi dans le sens inverse, pour améliorer le confort d’été en contribuant au maintien d’une température inférieure à la température extérieure » (DICOBAT page 60).

L’une des techniques les plus répandues est l’isolation des murs par l’intérieur ou par l’extérieur. 

L’isolation thermique par l’extérieur (ITE) a souvent un coût plus important que l’isolation thermique par l’intérieur, mais elle présente l’avantage de ne pas entrainer de pertes de surface intérieure et s’adapte particulièrement aux petites surfaces. 

La réalisation d’une ITE est toutefois soumises à plusieurs contraintes sur le plan juridique. 

Elle doit d’abord respecter les règles d’urbanisme en vigueur (1.). Les éventuels surplombs générés par l’isolation sur le fonds voisin ou sur le domaine public doivent ensuite être autorisés (2.). 

1.    L’autorisation des ITE au regard des règles d’urbanisme 

La réalisation d’une ITE est a minima soumise à déclaration préalable en ce qu’elle a pour effet de modifier l’aspect extérieur d’un bâtiment existant (article R.421-17 du code de l’urbanisme). 

Les travaux peuvent également être soumis à permis de construire s’ils sont accompagnés d’autres modifications, notamment si ces travaux génèrent plus de 20 m2 d’emprise au sol ou de surface de plancher (article R.421-14 du code de l’urbanisme).  

Dans tous les cas, l’autorisation d’urbanisme ne pourra être délivrée que si le projet est conforme aux règles d’urbanisme, ce qu’il convient d’étudier avant tout dépôt d’une demande d’autorisation et, a fortiori, avant toute réalisation de travaux.

Sont ici essentiellement concernées les règles régissant l’implantation des constructions ainsi que les règles esthétiques. 

S’agissant des constructions anciennes, il n’est pas rare que ces règles ne permettent pas la réalisation d’une ITE, notamment dans les grandes villes, lorsque le retrait des constructions avec les limites séparatives imposé par le PLU n’est pas respecté. 

Plusieurs solutions peuvent cependant permettre d’obtenir l’autorisation sollicitée. 

– Le PLU peut d’abord prévoir des alternatives pour les ITE. Le PLU peut par exemple prévoir d’autoriser les dispositifs d’ITE, avec ou sans épaisseur limite, dans les marges de recul. 

– Une dérogation aux règles d’implantation et à l’aspect extérieur peut ensuite être sollicitée par le pétitionnaire. 

Cette possibilité issue de l’article 7 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, initialement prévue à l’ancien article L.123-5-2 du code de l’urbanisme, est désormais codifiée au 1° de l’article L.152-5 du code de l’urbanisme.

Une autorisation d’urbanisme peut ainsi déroger aux règles du PLU relatives à l’emprise au sol, à la hauteur, à l’implantation et à l’aspect extérieur des constructions pour la mise en œuvre d’une ITE sur les constructions existantes.

Cette dérogation doit être sollicité par le pétitionnaire en joignant une note descriptive précisant la nature de la dérogation demandée et justifiant du respect des conditions prévues par le code de l’urbanisme pour en bénéficier (article R.431-31-2 du code urbanisme).

Elle ne peut être accordée que par une décision motivée et n’est pas applicable aux secteurs protégés (immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, immeubles protégés au titre des abords, immeubles situés dans le périmètre d’un SPR et immeubles et éléments de patrimoine protégés au titre de l’article L.151-19 du code de l’urbanisme). 

Les conditions de cette dérogation ont été précisées par le décret n° 2016-802 du 15 juin 2016 facilitant la délivrance d’une autorisation d’urbanisme pour la mise en œuvre d’une isolation thermique ou d’une protection contre le rayonnement solaire.

Le dépassement autorisé ne peut d’abord excéder 30 centimètres par rapport aux règles d’implantation des constructions autorisées par le règlement du PLU (article R.152-6 du code de l’urbanisme). 

La surépaisseur qui résulte de l’ITE doit ensuite « être adaptée au mode constructif et aux caractéristiques techniques et architecturales de la façade ou de la toiture et ne doit pas porter atteinte à la qualité architecturale du bâtiment et à son insertion dans le cadre bâti environnant » (article R.152-9 du code de l’urbanisme), ce qui doit faire l’objet d’une justification dans la notice.

La dérogation ne concerne enfin que les constructions achevées depuis plus de deux ans à la date de dépôt de la demande de dérogation (article R.152-5 du code de l’urbanisme). 

Ces dispositifs permettent de réaliser une ITE sous l’angle des règles d’urbanisme. Mais ils ne permettent pas d’autoriser les surplombs que peuvent générer ces dispositifs sur un fonds voisin ou sur le domaine public. 

2.    L’autorisation des surplombs générés par l’ITE 

Tout dispositif d’ITE génère une certaine épaisseur pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines de centimètres et créer un surplomb. 

– Si le surplomb est généré sur le domaine public, une pièce exprimant l’accord exprès du gestionnaire du domaine doit impérativement être jointe à la demande (article R.431-13 du code de l’urbanisme).

– Si le surplomb est généré sur un fonds privé, en limite séparative, aucune pièce n’est à joindre à la demande d’autorisation. Cependant, l’accord du voisin s’impose systématiquement. 

Jusqu’à peu, cet accord devait être matérialisé par la conclusion d’une servitude de surplomb et d’une servitude de tour d’échelle pour la réalisation des travaux d’ITE. 

Un droit de surplomb a cependant été créé pour la réalisation d’une ITE, sous certaines conditions, par l’article 172 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat. Ses modalités ont été précisées par le décret n° 2022-926 du 23 juin 2022 relatif au droit de surplomb pour l’isolation thermique par l’extérieur d’un bâtiment.

L’article L.113-5-1 du CCH prévoit désormais que « le propriétaire d’un bâtiment existant qui procède à son isolation thermique par l’extérieur bénéficie d’un droit de surplomb du fonds voisin de trente-cinq centimètres ».

Sur ce point, la notion de « bâtiment existant » n’a pas été définie par le législateur. 

A l’évidence, il ne s’agit pas des bâtiments existants au jour de la publication de la loi Climat. De manière négative, il pourrait s’agir toutes les constructions, à l’exclusion de celles en cours de construction, qui ne pourraient pas bénéficier du droit de surplomb. 

Par analogie avec les demandes de dérogation aux règles d’urbanisme (voir supra), il pourrait aussi s’agir des constructions achevées depuis plus de deux ans.

Cela reste toutefois incertain puisque les nouvelles constructions sont soumises à la RE2020. On voit mal en quoi ces constructions seraient susceptibles de bénéficier du droit de surplomb, avant tout destiné aux constructions les plus anciennes et aux passoires énergétiques. 

Plusieurs conditions sont de plus prévues pour faire valoir son droit de surplomb. 

Sur le fond, il faut, soit qu’aucune autre solution technique ne permet d’atteindre un niveau d’efficacité énergétique équivalent à celle de l’ITE, soit que cette autre solution présente un coût ou une complexité excessifs. 

L’ITE ne peut de plus être réalisée qu’à deux mètres au moins au-dessus du pied du mur, du pied de l’héberge ou du sol, sauf accord contraire des propriétaires des deux fonds sur une hauteur inférieure.

Enfin, une indemnité préalable est due au propriétaire du fonds surplombé.

Sur la forme, les modalités de mise en œuvre de ce droit doivent être constatées par acte authentique ou par décision de justice.

Pour la réalisation des travaux, le législateur a en outre prévu l’équivalent d’une servitude de tour d’échelle.

Le droit de surplomb emporte ainsi le droit d’accéder temporairement à l’immeuble voisin afin d’y mettre en place les installations provisoires strictement nécessaires à la réalisation des travaux. Ce qui suppose la conclusion d’une convention ayant pour objet de définir les modalités de mise en œuvre de ce droit, ce dans les conditions prévues par l’article R.113-20 du CCH (localisation et périmètre de l’accès au fonds, nature des installations provisoires etc.).

Là encore, une indemnité est due au propriétaire de l’immeuble voisin.

Pour la mise en œuvre du droit de surplomb, un mécanisme d’information du voisin est prévu. Le propriétaire du bâtiment à isoler doit notifier au propriétaire du fonds voisin son intention de réaliser une ITE en surplomb de son fonds et de bénéficier du droit de surplomb par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier de justice, dans les conditions prévues par l’article R.113-19 du CCH. 

Le propriétaire du fonds voisin peut alors s’opposer à l’exercice du droit de surplomb pour un motif sérieux et légitime, ou pour la méconnaissance des conditions relatives au droit de surplomb dans un délai de 6 mois, ce en saisissant le président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble à surplomber (article R.113-21 du CCH).

Ce délai lui permet également de saisir le juge en fixation du montant de l’indemnité qui lui est due au titre du droit de surplomb ou du droit d’accès à son fonds. 

Ce n’est qu’après signature de l’acte authentique relatif au droit de surplomb et de la convention relative au droit d’accès, ou après l’intervention de la décision du président du tribunal judiciaire, une fois devenue définitive, que le propriétaire du bâtiment à isoler peut réaliser les travaux, après s’être acquitté des indemnités dues au propriétaire du fonds voisin (article R.113-23 du CCH).


Par Axel BERTRAND

Lutte contre les incendies de forêt : plans de prévention des risques d’incendie de forêt (PPRIF)

En France, près de 60 000 hectares ont été détruits par des incendies de forêt depuis le début de l’année 2022. Le risque d’incendie de forêt est croissant. Il concerne désormais toute la France, avec des niveaux de risque différents. Ce risque peut toutefois être appréhendé et contenu. De nombreux dispositifs de prévention et de surveillance sont prévus. L’outil de base de prévention reste l’édiction de Plans de Prévention des Risques d’Incendie de forêt (PPRIF). 

En France, près de 60 000 hectares ont été détruits par des incendies de forêt depuis le début de l’année 2022. Les images des gigantesques incendies qui ont frappé la France, notamment la Gironde, ont fait le tour des médias.

Le risque d’incendie est croissant. S’il affecte essentiellement le Sud-Est et le Sud-Ouest, il concerne désormais toute la France, avec des niveaux de risque différents.

Cette aggravation du risque est due au cumul de plusieurs facteurs. 

Il s’agit d’abord de l’expansion de l’urbanisation et des activités humaines dans les zones de forêts. Plus l’urbanisation s’accroit, plus le risque augmente, notamment dans les zones déjà exposées au risque d’incendie. La présence humaine (activités de loisir, de production, de transport…) augmente les risques de départ de feu (cf. guide méthodologique du Ministère de l’écologie relatifs aux PPR d’incendie de forêt). Ce qui expose d’autant plus les zones concernées au risque d’incendie et accroit les difficultés d’intervention des services de lutte contre l’incendie qui donnent priorité à la protection des personnes et des biens. 

Il s’agit ensuite du changement climatique et des vagues plus fréquentes et intenses de sécheresse qui se traduisent par des températures plus élevées, un faible taux d’humidité dans l’air, de très faibles précipitations ainsi que des vents secs et forts.

Les conséquences de ces incendies ne sont pas négligeables. Ils nous affectent directement, notre cadre de vie, nos activités et nos biens.  Ils affectent aussi durablement les paysages et les écosystèmes, engendrant des pertes forestières majeurs, la destruction d’espèces faunistiques et floristiques, et aggravent les risques d’érosion et d’inondation des sols.

Le risque d’incendie de forêt peut toutefois être appréhendé et contenu.

De nombreux dispositifs de prévention et de surveillance sont prévus, notamment par le code forestier, comme les plans départementaux de protection des forêts contre les incendies, la réglementation des feux ou l’obligation de débroussaillement dans les zones particulièrement exposées aux incendies.

L’outil de base de prévention reste l’édiction de Plans de Prévention des Risques d’Incendie de forêt (PPRIF). 

Ces plans permettent d’appréhender le risque d’incendie de forêt à travers l’aménagement du territoire et de maitriser l’urbanisation dans les forêts exposées à ce risque par l’édiction de prescriptions applicables aux projets nouveaux et/ou aux constructions existantes. 

A ce jour, moins de 200 PPRIF ont été approuvés, dont 46% en PACA et 22% en Occitanie, selon le Ministère de l’Ecologie

Compte-tenu de l’aggravation du risque d’incendie de forêt, l’enjeu lié au déploiement de ces plans de prévention est considérable. 

Présentation des PPRIF

Prévus par l’article L.562-1 du code de l’environnement, les PPRIF permettent de prévenir des risques d’incendie de forêt en prévoyant des prescriptions comme :

1/ L’interdiction de constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations dans les zones exposées au risque d’incendie, ou dans les zones non exposées à ce risque mais où ces activités pourraient l’aggraver ;

2/ L’édiction de prescriptions applicables aux constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations pouvant être autorisés dans ces mêmes zones ;

3/ La définition de mesures de prévention à la charge des collectivités publiques et des particuliers dans ces mêmes zones.

A ce titre, selon l’article R.562-4 du code de l’environnement, le PPRIF peut notamment :
•    définir des règles relatives aux réseaux et infrastructures publics visant à faciliter les mesures d’évacuation ou l’intervention des secours ;
•    prescrire la réalisation de travaux à l’attention de particuliers ou de groupements ;
•    confier aux particuliers ou groupements la gestion de dispositifs de prévention des risques ou d’intervention en cas d’incendie ;
•    subordonner la réalisation de constructions ou d’aménagements nouveaux à la constitution d’associations syndicales chargées de certains travaux (entretien des espaces…) ou la réalisation et la gestion d’ouvrages ou de matériels.

A noter qu’à défaut de mise en conformité dans le délai prescrit par le PPRIF, le préfet peut ordonner la réalisation de ces mesures aux frais du destinataire après mise en demeure.

4/ La définition de mesures applicables aux constructions, ouvrages, espaces mis en culture ou plantés existants.

A ce titre, le PPRIF peut prévoir la réalisation de travaux sur des biens existants. Ces travaux ne peuvent toutefois porter que sur des aménagements limités et leur coût doit être inférieur à 10 % de la valeur du bien à la date d’approbation du plan (article R.562-5 du code de l’environnement). En revanche, le PPRIF ne peut pas interdire les travaux d’entretien et de gestion courants des bâtiments existants, sauf si ces travaux augmentent les risques ou en créent de nouveaux, ou conduisent à une augmentation de la population exposée.

La mise en conformité peut également être faite d’office après mise en demeure restée sans effet. 

Composition des PPRIF : 

Le PPRIF contient au moins trois documents. 

Il comprend d’abord un rapport de présentation précisant le secteur géographique concerné, la nature et l’identification des risques d’incendie, ainsi que leurs conséquences possibles.

Il inclut ensuite un document graphique délimitant les différentes zones exposées au risque d’incendie selon le degré d’aléa (très faible, faible, moyen, fort ou très fort).

Il comprend enfin un règlement précisant les mesures d’interdiction et les prescriptions applicables à chaque zone, ainsi que les mesures prévention devant être prises par les collectivités ou les particuliers et les mesures applicables aux constructions existantes.

Procédure d’élaboration du PPRIF : 

L’élaboration d’un PPRIF relève de la compétence de l’Etat. Elle doit être prescrite par arrêté du Préfet de département (articles L.562-1 et R.562-1 du code de l’environnement).

Il est indispensable de réaliser une analyse préalable des risques incluant des études d’aléas, en recensant notamment les feux passés et en détaillant les caractéristiques des lieux (végétation, relief, moyens d’accès, évolution du climat et de l’urbanisation, des activités humaines…).

Outre la nature et l’intensité des risques encourus, il convient également de prendre en compte les capacités et les délais d’intervention des services d’incendie et de secours dans chaque secteur (CE 17 mars 2017, Association COFOR, n°394241).

Cette analyse préalable permet d’identifier l’échelle territoriale du plan pertinente et de déterminer le zonage selon les aléas identifiés, puis de définir les prescriptions applicables

Une concertation préalable doit être organisée avec les habitants et les collectivités territoriales concernées sont associées à l’élaboration du PPRIF.

L’élaboration d’un PPRIF est également soumise à enquête publique environnementale, après avis des communes concernées ainsi que des SDIS compétents (article R.562-7 du code de l’environnement).

Elle est de plus soumise à évaluation environnementale après examen au cas par cas (article R122-17 II du code de l’environnement). En pratique, elle est souvent requise.

Enfin, le PPRIF est approuvé par arrêté préfectoral et publié (article L.562-3 du code de l’environnement). 

Valeur juridique du PPRIF : 

Le PPRIF vaut servitude d’utilité publique et doit être annexé au PLU (article L.562-4 du code de l’environnement et L.153-60 du code de l’urbanisme).

Ses prescriptions sont  directement opposables aux autorisations d’urbanisme (CE, 4 mai 2011, n°321357).

A défaut de PPRIF, le risque d’incendie peut et doit tout de même être pris en compte et rendu opposable aux autorisations d’urbanisme par l’article R.111-2 du code de l’urbanisme (par exemple : CE, 13 juillet 2006, Ministre des transports, n°282937).

Sanction en cas non-respect des prescriptions du PPRIF :

Le non-respect des prescriptions du plan constitue une infraction pénale punie d’amende et de six mois de prisons en cas de récidive. Une obligation de démolition et de remise en état peut être prononcée (article L.562-5 du code de l’environnement). 

Par Axel BERTRAND

Elargissement du champ du permis de construire modificatif

Un permis de construire modificatif peut désormais être délivré y compris s’il change la conception générale du projet. La limite tient à ce qu’il n’en modifie pas la nature même. 

Le Conseil d’Etat fait évoluer sa jurisprudence relative au champ matériel du permis de construire modificatif.

Un PCM peut désormais être délivré « dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même » (CE, Section, 26/07/2022, n°437765).

Jusqu’à ce jour les modifications autorisées étaient plus limitées. Elles ne devaient pas remettre en cause « la conception ou l’économie générale du projet » (CE, 01/10/2015, n°374338).

Seul le permis de régularisation, en cas de contentieux, permettait d’apporter des modifications plus importantes, la limite tenant à la nature du projet (CE, avis, Section, 02/10/2020, n°438318).

✅  Implications :

👉 PCM et permis de régularisation semblent désormais permettre d’apporter des modifications de même ampleur, substantielles, au projet initial

👉 puisque seule la nature du projet ne peut être modifiée, un nouveau PC ne s’imposerait plus si la conception générale du projet est modifiée, tant que sa nature est inchangée

👉 il reste une distinction temporelle : pour obtenir un PCM, le PC doit toujours être en cours de validité et les travaux ne doivent pas être achevés.

Par Axel BERTRAND

Diversité commerciale dans les centres villes : le droit de préemption commercial

Le droit de préemption commercial est peu connu des acteurs publics. Les communes confrontées à la difficulté de maintenir un commerce de proximité diversifié en centre-ville peuvent y recourir afin de préserver le dynamisme et la diversité de l’offre commerciale sur leur territoire en permettant d’implanter certaines activités. Elles doivent toutefois s’assurer de respecter un cadre juridique le plus sécurisé.

Loi Climat : l’objectif ZAN est traduit dans les documents d’urbanisme

La loi « Climat et Résilience » promulguée modifie le cadre juridique applicable aux documents d’urbanisme en plusieurs points.  

La loi Climat traduit l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols d’ici 2050 dans les documents d’urbanisme.

👉 Comment ? 

✔️ Les notions “d’artificialisation”, de “zones artificialisées” et “non artificialisées” sont désormais définies dans le code de l’urbanisme.

✔️ L’objectif de ZAN est surtout décliné dans les différents documents d’urbanisme, chacun à son niveau : 

◾ Le SRADDET fixe la trajectoire pour aboutir à l’objectif de ZAN et un objectif de réduction du rythme de l’artificialisation par tranches de dix années décliné entre les différentes parties du territoire régional.

◾ Le SCOT fixe un objectif de réduction du rythme de l’artificialisation par tranches de dix années et le décline par secteurs géographiques.

◾ Le PLU traduit ces objectifs et ne peut prévoir l’ouverture à l’urbanisation d’espaces que s’il est justifié que la capacité d’aménager et de construire est déjà mobilisée dans les espaces urbanisés.

⚠️ Si le SCOT et le PLU n’évoluent pas au plus tard dans un délai respectif de 5 et 6 ans afin d’intégrer ces objectifs :
◾ les ouvertures à l’urbanisation des SCOT seront suspendues ;
◾ les autorisations d’urbanisme ne peuvent être délivrées dans une zone à urbaniser du PLU.

👉 La loi contient d’autres dispositions comme :

✅ La possibilité d’autoriser une construction faisant preuve d’exemplarité environnementale à déroger aux règles des PLU relatives à la hauteur ;
✅ Ou encore l’interdiction sous certaines conditions d’utiliser un système de chauffage ou de climatisation sur le domaine public.

Par Axel BERTRAND

Une commune peut-elle interdire la plupart des constructions nouvelles en zone U ?

A priori, les zones U d’un PLU (Plan Local d’Urbanisme) ont vocation à être constructibles. Les auteurs d’un PLU peuvent toutefois décider d’y interdire la plupart des constructions nouvelles à condition que cette interdiction réponde clairement au parti d’aménagement défini dans le PLU, notamment dans le PADD (Plan d’Aménagement et de Développement Durable).