Lorsque le juge administratif applique une évolution jurisprudentielle intervenue après la clôture de l’instruction, les parties doivent pouvoir présenter leurs observations sur ce point. Pour cela, le juge administratif doit, soit rouvrir l’instruction et inviter les parties à s’exprimer, soit juger par un arrêt avant dire droit qu’il entend régler le litige compte tenu de cette décision et inviter les parties à formuler leurs observations (CE, 1er octobre 2024, n°469776).
Elargissement du champ du permis de construire modificatif
Le Conseil d’Etat a fait évoluer sa jurisprudence relative au champ matériel du permis de construire modificatif.
Initialement, un permis de construire modificatif pouvait être délivré si les modifications ne remettaient pas en cause « la conception ou l’économie générale du projet » (CE, 1er octobre 2015, n°374338).
Par une décision du 26 juillet 2022, le Conseil d’Etat a jugé qu’un permis de construire modificatif peut désormais être délivré « dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même » (CE, Section, 26 juillet 2022, n°437765).
Les modifications susceptibles d’être apportées à un permis de construire initial par un permis de construire modificatif sont donc bien plus importantes.
Cette évolution a pu impacter de nombreuses procédures en cours, introduites contre des autorisations d’urbanismes, pour lesquelles un permis modificatif avait été délivré.
Si la clôture de l’instruction, dans ces procédures, n’avait pas encore été prononcée à la date de cette évolution jurisprudentielle, les parties disposaient encore de la faculté de débattre sur ce point.
Quand est-il si la clôture de l’instruction avait déjà été prononcée à cette date ?
Les parties doivent pouvoir présenter leurs observations sur une évolution jurisprudentielle intervenue après la clôture de l’instruction
Le Conseil d’Etat juge que lorsque le juge administratif applique une évolution jurisprudentielle intervenue après la clôture de l’instruction, susceptible d’impacter la solution du litige, les parties doivent pouvoir présenter leurs observations sur ce point du fait du principe du contradictoire.
Pour cela, le juge administratif doit, soit rouvrir l’instruction et inviter les parties à s’exprimer, soit juger par un arrêt avant dire droit qu’il entend régler le litige compte tenu de cette décision et inviter les parties à formuler leurs observations :
« (…) 4. En deuxième lieu, en faisant application des règles issues d’une décision du Conseil d’Etat, statuant au contentieux postérieure à la date de la clôture d’instruction, le juge se borne à exercer son office en situant le litige sur le terrain juridiquement approprié et ne soulève pas un moyen d’ordre public qu’il aurait dû communiquer aux parties en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative. Il ne peut cependant, eu égard aux exigences de la procédure contradictoire, régler l’affaire sur un terrain dont les parties n’ont pas débattu sans avoir mis celles-ci à même de présenter leurs observations sur ce point. Il lui incombe à cette fin soit de rouvrir l’instruction en invitant les parties à s’exprimer sur les conséquences à tirer de la décision du Conseil d’Etat, soit de juger, par un arrêt avant dire droit, qu’il entend régler le litige, compte tenu de cette décision, sur le terrain juridiquement approprié et en demandant en conséquence aux parties de formuler leurs observations sur ce terrain. (…) » (CE, 1er octobre 2024, n°469776).
L’évolution du champ matériel du permis de construire modificatif doit donc pouvoir être débattue par les parties lorsque la clôture de l’instruction a eu lieu avant l’intervention de cette évolution.