Lutte contre l’artificialisation des sols : modifications apportées à la loi Climat par la loi ZAN 

La loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux ne bouleverse pas les grandes lignes du dispositif de lutte contre l’artificialisation des sols prévu par la loi Climat de 2021. Plusieurs de ses dispositions affectent toutefois directement collectivités et porteurs de projets.

La loi Climat (loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets) prévoit un objectif national de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols en 2050, ainsi que la diminution de moitié de la consommation totale d’espace dans les 10 ans suivant sa promulgation (2021-2031) par rapport à celle des 10 ans précédant cette période (article 191 de la loi Climat). 

Cet objectif se traduit par une réduction du rythme de l’artificialisation des sols déclinée à plusieurs niveaux (SRADDET, SAR, PADDUC, SDRIF, SCOT et PLU), devant être intégrée selon un calendrier précis dans chaque document par tranches de 10 ans.

La première de ces tranches a débuté le 24 août 2021 et se traduit par un objectif de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) par rapport à la consommation observée au cours des 10 années précédentes.

Ce dispositif soulève de nombreuses questions juridiques et pratiques mises en avant par des élus et porteurs de projets qui en interrogeaient l’intelligibilité et la faisabilité.

Une proposition de loi avait été déposée au Sénat le 14 décembre 2022 afin d’apporter plusieurs modifications au dispositif initial. 

Les débats ont abouti à une commission mixte paritaire (CMP) conclusive le 6 juillet 2022 et un texte définitif a été adopté par l’Assemblée Nationale et le Sénat les 12 et 13 juillet 2023.

La loi n°2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux (loi ZAN) ne bouleverse pas les grandes lignes du dispositif de lutte contre l’artificialisation des sols prévu par la loi Climat de 2021.

Elle contient toutefois plusieurs nouveautés et certaines de ses dispositions affectent directement collectivités et porteurs de projets. 

Nouveau report de calendrier pour l’intégration de l’objectif ZAN

La loi ZAN prévoit un nouveau report de l’échéance imposée pour l’intégration des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et de réduction de la consommation des ENAF (article 1 de la loi ZAN – article 194 IV. 1° à 8° de la loi Climat modifiée). 

La loi Climat laissait un délai de 2 ans à compter de sa promulgation pour les SRADDET, SAR, PADDUC, et SDRIF, soit jusqu’à août 2023.

La loi 3DS (article 114 de la loi n°2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale) avait déjà reporté ce délai de 6 mois supplémentaires, portant le délai à février 2024.

Malgré l’avancée des travaux des régions, la loi ZAN ajoute 9 mois supplémentaires, le délai étant porté à novembre 2024 (soit un délai total de 39 mois).

Quant aux SCOT et PLU, la loi Climat prévoyait un délai respectif de 5 et 6 ans. La loi ZAN ajoute 6 mois supplémentaires pour les SCOT (août 2026 à février 2027) et les PLU (août 2027 à février 2028).

Gouvernance

La loi Climat avait créé les conférences des SCOT réunissant les EPCI d’un même ressort régional pour l’élaboration et l’intégration des objectifs régionaux de ZAN (article 194 III. 4° de la loi Climat initiale). 

La loi ZAN y met fin et crée une “conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols” (conférence régionale de gouvernance) dans chaque région (article 2 de la loi ZAN – article 194 III. 4° de la loi Climat modifiée et nouvel article L.1111-9-2 du CGCT).

Son rôle sera purement consultatif

Elle pourra ainsi “se réunir sur tout sujet lié à la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols” à l’initiative de la région ou d’un EPCI, transmettre à l’Etat des analyses et des propositions portant sur cette mise en œuvre et émettre des propositions d’évolution des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols prévus par la loi et les documents de planification pour la prochaine tranche de 10 ans.

Elle pourra également émettre des propositions sur les objectifs régionaux de réduction de l’artificialisation des sols, à l’échelle régionale et infrarégionale, ce dans un délai de 3 mois à la suite de la délibération prescrivant l’évolution des schémas régionaux.

La loi prévoit sur ce point que les projets de documents ne pourront être arrêtés avant transmission de cette proposition à la région ou, à défaut de proposition, avant un délai de 6 mois. 

Elle sera également consultée sur la qualification des projets d’envergure nationale ou européenne et ceux d’envergure régionale (voir infra).

La conférence régionale pourra en outre se décliner en conférence départementale sur décision de son président (le président du conseil régional) ou de la majorité de ses membres “pour tout sujet lié à la mise en œuvre communale ou intercommunale des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols”, et transmettre ses analyses et propositions à la conférence régionale.

La loi ZAN prévoit également la création d’une commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols comprenant des représentants de l’Etat et de la région. Elle pourra être consultée à la demande de la région en cas de désaccord sur la liste des projets d’envergure nationale ou européenne présentant un intérêt général majeur (article 3 de la loi ZAN – voir infra).

Création des projets d’envergure nationale ou européenne

Il s’agit d’un apport majeur de la loi ZAN. 

Le dispositif conçu par la loi Climat faisait craindre à certaines collectivités que leurs quotas ne soient grevés par de grands projets nationaux générateurs d’artificialisation du sol sur leur territoire. 

La loi ZAN crée les projets d’envergure nationale ou européenne (article 3 de la loi ZAN – article 194 III. 7°, 8°, III bis à III quater de la loi Climat modifiée). 

Ces projets, considérés comme étant d’intérêt général majeur, seront recensés par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme pris après avis du président de région et de la conférence régionale de gouvernance sur la base d’une proposition de liste faite par le ministre. Les régions ayant la possibilité de formuler une proposition d’identification des projets au ministre, après avis de la conférence régionale de gouvernance. 

Les régions auront donc tout intérêt à se saisir de ces procédures.

La liste des projets d’envergure nationale ou européenne sera renouvelée annuellement.

Les projets susceptibles d’être listés sont énumérés de manière limitative par la loi qui laisse la porte entrouverte à de nombreux projets, puisqu’il peut s’agir :

  • de travaux ou opérations déclarés d’utilité publique par décret en Conseil d’Etat (travaux de création d’autoroutes, de création d’aérodromes de catégorie A, de création ou de prolongement de lignes du réseau ferré national d’une longueur supérieure à 20 kilomètres ….) ou par arrêté ministériel ;
  • de travaux ou opérations de construction de LGV et leurs débranchements ;
  • de projets industriels d’intérêt majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique ainsi que ceux qui participent directement aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable ;
  • d’actions ou opérations d’aménagement réalisées par un grand port maritime ou fluvio-maritime de l’Etat ou pour son compte ;
  • d’opérations intéressant la défense ou la sécurité nationales ;
  • d’opérations de construction ou de réhabilitation d’un établissement pénitentiaire réalisées par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice ;
  • d’actions ou opérations de construction ou d’aménagement réalisées par l’Etat ou pour son compte dans le périmètre d’une opération d’intérêt national (OIN) ;
  • de la réalisation de certains réacteurs électronucléaires ;
  • d’opérations de construction ou d’aménagement de postes électriques de tension supérieure ou égale à 220 kilovolts.

Pour les projets listés, la consommation d’ENAF ne sera pas prise en compte au niveau régional mais au niveau national dans le cadre d’un forfait de 12 500 ha, dont 10 000 ha pour les SRADDET, au prorata de leur enveloppe d’artificialisation pour la première tranche 2021-2031.

Les 2500 ha restants étant ainsi alloués à l’Ile-de-France, la Corse et les Outre-Mer.

Ces projets ne grèveront donc pas les quotas des collectivités. 

La loi ZAN prévoit de plus qu’en cas de dépassement de ce forfait, le surcroît de consommation ne pourra être imputé sur l’enveloppe des collectivités. Ce qui donne donc peu de force obligatoire à cette enveloppe nationale. 

La loi ZAN prévoit enfin que les aménagements, les équipements et les logements directement liés à la réalisation d’un projet d’envergure nationale ou européenne identifié comme étant d’intérêt public majeur pourront être considérés comme des projets d’envergure régionale, auquel cas ils seront décomptés et mutualisés à l’échelle régionale.

Création d’une surface minimale de consommation d’ENAF 

La loi ZAN crée une surface minimale de consommation d’ENAF pour toutes les communes couvertes par un PLU, un document en tenant lieu ou une carte communale prescrit, arrêté ou approuvé avant le 22 août 2026 (article 4 de la loi ZAN – article 194 III. 3° bis de la loi Climat modifiée)

Pour la première tranche de dix années (2021-2031), cette surface minimale est fixée à 1 ha. Elle devra être actualisée d’ici 2031, pour la seconde tranche, notamment sur la base des travaux réalisés par les conférences régionales de gouvernance. 

Extension du droit de préemption urbain aux “secteurs prioritaires à mobilier”

La loi ZAN étend le droit de préemption urbain aux “secteurs prioritaires à mobiliser”. 

Il ne s’agit pas d’un nouveau droit de préemption mais bien de la possibilité donnée aux collectivités compétentes de préempter un bien situé dans de nouveaux secteurs, à savoir de zones qui “présentent un potentiel foncier majeur pour favoriser l’atteinte des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols” (article 6 de la loi ZAN – article L.211-1-1 du code de l’urbanisme nouveau). 

La loi prévoit qu’il s’agit “en particulier” – ce qui n’est donc pas limitatif :

  • des terrains contribuant à la préservation ou à la restauration de la nature en ville, notamment lorsqu’il s’agit de surfaces végétalisées ou naturelles situées au sein des espaces urbanisés ;
  • des zones présentant un fort potentiel en matière de renaturation, en particulier dans le cadre de la préservation ou de la restauration des continuités écologiques, et qui peuvent notamment être les zones préférentielles pour la renaturation identifiées dans le SCOT ;
  • des terrains susceptibles de contribuer au renouvellement urbain, à l’optimisation de la densité des espaces urbanisés ou à la réhabilitation des friches.

Ces termes semblent laisser une forte marge de manœuvre aux collectivités pour la définition des “secteurs prioritaires à mobiliser”. 

Opérations d’aménagement

La ZAN est intégrée à la définition des opérations d’aménagement qui peuvent désormais inclure les actions ou opérations ayant pour objet de permettre “le recyclage foncier”, “de restaurer le patrimoine bâti ou non bâti”, ou encore “de renaturer ou de désartificialiser des sols” (article 6 de la loi ZAN – article L.300-1 du code de l’urbanisme modifié).

Création d’un sursis à statuer ZAN

La loi ZAN prévoit la possibilité de surseoir à statuer sur les autorisations d’urbanisme lorsqu’un projet entraîne une consommation d’ENAF et pourrait compromettre l’atteinte des objectifs de réduction fixés pour la première tranche de 10 ans (article 6 de la loi ZAN – article 194 IV. 14° de la loi Climat modifiée). 

La décision de sursis à statuer devra être motivée, soit par l’ampleur de la consommation résultant du projet, soit par la faiblesse des capacités résiduelles de consommation au regard des objectifs de réduction.

Nul doute que ces motifs donneront lieu à un abondant contentieux dans les années à venir.

Il n’est toutefois pas possible d’opposer un sursis à statuer sur une demande pour laquelle la consommation d’ENAF serait compensée par la renaturation d’une surface au moins équivalente à l’emprise du projet.

Un sursis à statuer ne pourra pas non plus être opposé, ou, lorsqu’un sursis aura été opposé, il ne pourra pas être prolongé, après intégration des objectifs ZAN dans le document d’urbanisme.

Dans l’hypothèse où il aurait été sursis à statuer avant cette intégration, il devra être statué sur la demande d’autorisation d’urbanisme dans un délai de 2 mois à compter de sa confirmation par le pétitionnaire. A défaut, l’autorisation sera considérée comme ayant été tacitement accordée, sans que le législateur n’ait pris le soin de distinguer selon la localisation et les caractéristiques du projet. 

En cas de sursis à statuer, le propriétaire du terrain pourra enfin mettre en demeure la collectivité de procéder à l’acquisition de son terrain.

Par Axel Bertrand, avocat associé

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