Le Conseil d’Etat a refusé de transmettre une QPC portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la définition de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) retenue par la loi Climat (CE, 24 juillet 2024, Commune de Cambrai, n°492005).
La définition de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) prévue par la loi Climat
La loi Climat (loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets) prévoit un objectif national de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols en 2050 à l’échelle de tout le territoire.
Pour atteindre cet objectif, le législateur a prévu un objectif intermédiaire de réduction de moitié du rythme de l’artificialisation nette des sols par tranches de 10 ans et sa déclinaison à différentes échelles du territoire.
Pour la première tranche (août 2021 – août 2031), la réduction du rythme de l’artificialisation se traduit par une diminution de moitié de la consommation totale d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) à l’échelle nationale par rapport à la consommation d’ENAF des 10 ans précédant cette période.
La loi Climat prévoit, dans sa version issue de la loi ZAN (loi n°2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux), que, pour la définition de l’objectif de réduction de la consommation d’ENAF, cette dernière est entendue comme “la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés sur le territoire concerné” (article 194 III. 5° de la loi Climat).
Le Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires a publié plusieurs fascicules destinés à accompagner les collectivités sur la mise en œuvre du ZAN en décembre 2023.
La commune de Cambrai a introduit un recours en annulation contre le fascicule 1 “Définir et observer la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, et l’artificialisation des sols” dans sa version publiée par le Ministère le 21 décembre 2023.
Ce fascicule précise notamment ce qu’il faut entendre par création ou extension effective d’espaces urbanisés.
Le Ministère indique ainsi que cette notion est indépendante du zonage ou de la délivrance d’autorisations et correspond à des espaces effectivement consommés à partir du démarrage effectif des travaux.
A l’occasion de ce recours, la commune a soulevé une QPC sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la définition de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) prévue par l’article 194 III. 5° de la loi Climat.
La non-transmission de la QPC sur cette définition
Le Conseil d’Etat a refusé de transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel pour défaut de caractère sérieux (CE, 24 juillet 2024, Commune de Cambrai, n°492005).
La commune soutenait d’abord que cette définition aurait méconnu le principe de libre administration des collectivités territoriales en ce qu’elle aurait eu pour effet de porter atteinte au zonage défini dans les documents d’urbanisme locaux.
Le Conseil d’Etat écarte ce grief en indiquant que ces dispositions se bornent à donner une définition de la consommation d’ENAF et n’emportent pas, par elles-mêmes, d’incidences directes sur les choix qu’opèrent les collectivités territoriales dans le zonage réglementaire de leurs documents d’urbanisme.
Il ajoute que ces dispositions, prises pour l’intégration de l’objectif de réduction de moitié de la consommation d’ENAF dans le cadre du ZAN, ne portent pas à la libre administration des collectivités territoriales une atteinte qui excéderait la réalisation de l’objectif d’intérêt général de lutte contre le changement climatique ainsi que de conservation et de protection de la biodiversité poursuivi par le législateur.
La commune soutenait ensuite que la définition de la consommation d’ENAF retenue par la loi ZAN aurait porté atteinte au droit de propriété en ce qu’elle aurait eu pour effet de rendre inconstructibles certaines parcelles situées en zones urbaines.
Le Conseil d’Etat écarte cet argument pour les mêmes raisons, en soulignant que cette définition n’emporte pas, par elle-même, d’incidences directes sur le zonage réglementaire figurant dans les documents d’urbanisme locaux.
Pour cette même raison, le Conseil d’Etat écarte le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d’entreprendre et refuse de transmettre la QPC soulevée pour défaut de caractère sérieux (CE, 24 juillet 2024, Commune de Cambrai, n°492005).