Plan de transformation des zones commerciales : quels enjeux en droit de l’urbanisme ?

Le Gouvernement a présenté le 11 septembre 2023 un plan de transformation des zones commerciales. Ce dispositif, qui s’ajoute notamment au plan “Action Coeur de Ville”, est une réponse au besoin de financement mais soulève de nombreuses questions du point de vue du droit de l’urbanisme.

Le Gouvernement a présenté le 11 septembre 2023 un plan de transformation des zones commerciales. 

Souvent situées en périphérie et en entrée de ville, ces zones (plus de 1500) couvrent près de 500 000 000 de m2 sur le territoire (voir le dossier de presse du Gouvernement “Un nouvel horizon pour les zones commerciales”, septembre 2023).

Les bâti y est habituellement étalé, ce qui suppose de recourir à des transports carbonés pour les flux externes, comme pour les flux internes, et constitué de “passoires thermiques”. 

Le foncier y est de plus intégralement ou quasi intégralement artificialisé et ces zones sont en général “mal articulées avec leur ville centre et présentent généralement une qualité architecturale et paysagère pauvre” selon le ministère de l’économie.

Le Gouvernement a lancé un appel à projets doté d’une enveloppe de 24 millions d’euros pour accompagner la transformation d’une trentaine de zones commerciales

Les zones concernées sont tant les zones en déprise que les zones dynamiques situées dans une zone dense et les zones commerciales situées dans des zones peu denses.

Les porteurs de projet retenus pourront bénéficier d’une aide financière pour mener les études préalables permettant de définir le programme de transformation ainsi que pour recourir à un appui sur la conduite de projet (jusqu’à 150 000 euros au total). 

Ce qui devrait permettre d’élaborer un diagnostic et un plan d’actions comportant un calendrier de mise en œuvre opérationnel ainsi qu’un plan de financement et un bilan économique prévisionnels. 

Certains projets pourront également bénéficier d’une subvention permettant de couvrir jusqu’à 50% du déficit de l’opération commerciale, dans certaines limites (500€/m² de surface commerciale bâtie restructurée et 100€/m² de surface non bâtie nécessaire à l’opération commerciale).

En pratique, les porteurs de projet doivent se manifester auprès des préfectures de département qui effectueront une pré-sélection des dossiers.

Il peut s’agir d’entités publiques (collectivités territoriales, organismes parapubliques, entreprises publiques locales, établissements publics fonciers, sociétés d’économie mixte etc.) ou d’entités privées, ces dernières devant disposer de l’appui de la collectivité territoriale d’implantation de la zone.

Deux vagues de lauréats sont prévues, la première en novembre 2023 pour les collectivités ayant des projets déjà engagés ou matures, et la seconde début 2024 pour les projets à définir. 

Selon les cas, les zones commerciales concernées pourront être réhabilitées et densifiées, faire place à du logement ou à des services publics, renaturées, ou encore accueillir de nouvelles activités industrielles (panneaux solaires, centres logistiques etc.). 

L’objectif étant de concentrer le commerce sur des espaces plus limités en favorisant une mixité d’usages.

Ce dispositif, qui s’ajoute notamment au plan “Action Coeur de Ville”, est une réponse au besoin de financement mais soulève de nombreuses questions du point de vue du droit de l’urbanisme.

Sur le plan réglementaire

Sur le plan réglementaire, la réhabilitation, voire la transformation des zones commerciales nécessitera le plus souvent de faire évoluer les documents d’urbanisme, ce qui devra être identifié le plus tôt possible. Une procédure de mise en compatibilité pourrait toutefois être envisagée dans la plupart des cas (articles L.153-54 et s du code de l’urbanisme).

Le Gouvernement a de plus annoncé que des dérogations aux règles des PLU seraient autorisées en sus de celles déjà présentes dans le code de l’urbanisme. Reste à en définir précisément le contenu. 

Le projet de loi relatif à industrie verte, pour lequel une CMP a été convoquée cet été,  prévoit par ailleurs d’étendre aux Grandes Opérations d’Urbanisme (GOU) les dérogations prévues par l’article L.152-6-4 du code de l’urbanisme. 

Sur le plan opérationnel

Sur le plan opérationnel, plusieurs procédures peuvent être envisagées pour transformer les zones commerciales. 

De nombreuses zones commerciales ont été réalisées dans le cadre d’opérations d’aménagement dont les conditions d’évolution, voire de suppression, seront parfois à envisager. 

Le Gouvernement met par ailleurs en avant la GOU pour réaliser ces projets de transformation, étant précisé que le projet de loi relatif à l’industrie verte devrait ouvrir aux communes une option sur le transfert automatique de la compétence relative à la délivrance des autorisations d’urbanisme des maires vers les présidents d’EPCI pour faciliter le recours à cette opération. 

Compte-tenu de l’ampleur des projets et opérations à venir, procédures et autorisations devraient se cumuler (code de l’urbanisme et code de l’environnement notamment) et les délais de procédure s’allonger, bien que certaines de ces procédures devraient pouvoir se recouper. 

Ces projets sont de plus susceptibles d’être soumis à évaluation environnementale et à une ou plusieurs procédures de participation du public

Le calendrier opérationnel devra donc bien veiller à articuler et à intégrer toutes les procédures nécessaires sur le plan réglementaire et opérationnel.

Maîtrise foncière

Le sujet de la maîtrise foncière est également essentiel et doit être abordé le plus tôt possible. 

Selon les cas, la collectivité ou un organisme parapublic pourra recourir au droit de préemption urbain, y compris son extension issue de la loi ZAN du 20 juillet 2023 (loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux), ainsi qu’au droit de préemption commercial, voire à la procédure d’expropriation

Pour faciliter la transformation de ces zones commerciales, le Gouvernement envisage de plus d’autoriser le transfert des droits commerciaux pour la réalisation d’une nouvelle surface de vente. 

Zones commerciales et ZAN 

Enfin, ces questions techniques et juridiques ne doivent pas occulter l’opportunité de la transformation de zones commerciales, notamment au regard de l’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN).

A cette occasion, certains sols pourraient d’ailleurs être renaturés (au sens de l’article L.101-2-1 du code de l’urbanisme) et peser favorablement dans l’équilibre à trouver entre développement économique, création de logements et réduction de la consommation d’espace. 

Si des friches sont présentes sur la zone réhabilitée (au sens de l’article L.111-26 du code de l’urbanisme), les terrains pourront de plus être préemptés dans le cadre du dispositif issu de la loi ZAN (article L.211-1-1 du code de l’urbanisme), et les projets pourront bénéficier de la dérogation aux règles du PLU relative au gabarit (30% max) ainsi qu’aux obligations de stationnement si les travaux permettent le réemploi de la friche (article L.152-6-2 du code de l’urbanisme).

Par Axel Bertrand, avocat associé

Le Guide juridique du ZAN

Recevoir le Guide

Le ZAN : enjeux majeurs et échéances