Le code de l’urbanisme ne réglemente pas la pratique des modifications apportées à une demande de permis de construire en cours d’instruction.
La jurisprudence administrative admet toutefois avec constance la légalité de cette pratique et, dans ce cas, la légalité du permis de construire doit être appréciée au regard des dernières pièces déposées.
Le Conseil d’Etat est venu en préciser les conditions et les effets.
Jusqu’à présent, le juge administratif jugeait que les modifications ne devaient pas modifier l’économie générale du projet (par exemple : CAA Paris, 15 décembre 2016, n°15PA01824).
Le Conseil d’Etat fait évoluer cette condition qu’il aligne sur celle des modifications pouvant être apportées à un projet par un permis de construire modificatif (CE, 26 juillet 2022, n°437765).
Le pétitionnaire peut désormais modifier sa demande de permis de construire pendant l’instruction tant que n’est pas intervenue une décision expresse ou tacite, et tant qu’il ne change pas la nature même du projet :
“ (…) 4. En l’absence de dispositions expresses du code de l’urbanisme y faisant obstacle, il est loisible à l’auteur d’une demande de permis de construire d’apporter à son projet, pendant la phase d’instruction de sa demande et avant l’intervention d’une décision expresse ou tacite, des modifications qui n’en changent pas la nature, en adressant une demande en ce sens accompagnée de pièces nouvelles qui sont intégrées au dossier afin que la décision finale porte sur le projet ainsi modifié. (…)” (CE, 1er décembre 2023, commune de Gorbio, n°448905, Lebon).
Des modifications peuvent donc être apportées librement par le pétitionnaire pendant l’instruction sous deux conditions.
La première est temporelle : les modifications doivent être déposées avant que l’administration ne statue sur la demande de permis de construire par une décision expresse ou une décision tacite.
La seconde est matérielle : les modifications ne doivent pas avoir pour effet de changer la nature même du projet. Ce qui laisse une grande marge de manœuvre pour le pétitionnaire, à l’image de celle dont il bénéficie s’agissant du permis de construire modificatif.
La modification du projet en cours d’instruction est en principe sans incidence sur les délais d’instruction et la date de naissance d’un permis tacite.
Le Conseil d’Etat juge toutefois que si, du fait de l’objet, de l’importance ou de la date à laquelle ces modifications sont présentées, l’instruction de ces modifications ne peut être menée à bien dans le délai initial, l’administration est alors regardée comme saisie d’une nouvelle demande se substituant à la demande initiale, ce qui fait courir un nouveau délai d’instruction :
“ (…) 4.Cette demande est en principe sans incidence sur la date de naissance d’un permis tacite déterminée en application des dispositions mentionnées ci-dessus. Toutefois, lorsque du fait de leur objet, de leur importance ou de la date à laquelle ces modifications sont présentées, leur examen ne peut être mené à bien dans le délai d’instruction, compte tenu notamment des nouvelles vérifications ou consultations qu’elles impliquent, l’autorité compétente en informe par tout moyen le pétitionnaire avant la date à laquelle serait normalement intervenue une décision tacite, en lui indiquant la date à compter de laquelle, à défaut de décision expresse, la demande modifiée sera réputée acceptée. L’administration est alors regardée comme saisie d’une nouvelle demande se substituant à la demande initiale à compter de la date de la réception par l’autorité compétente des pièces nouvelles et intégrant les modifications introduites par le pétitionnaire. Il appartient le cas échéant à l’administration d’indiquer au demandeur dans le délai d’un mois prévu par l’article R. 423-38 du code de l’urbanisme les pièces manquantes nécessaire à l’examen du projet ainsi modifié.(…)” (CE, 1er décembre 2023, commune de Gorbio, n°448905, Lebon).
L’autorité compétente doit alors en informer le pétitionnaire et l’informer du nouveau délai d’instruction au terme duquel, en l’absence de décision expresse, il pourrait bénéficier d’un permis tacite.
Ce qui laisse un large pouvoir d’appréciation à l’administration, au bénéfice, notamment, de services instructeurs dont les effectifs sont parfois très limités. Cette jurisprudence leur permet de s’adapter à des modifications importantes ou/et tardives de pièces en cours d’instruction.
Côté pétitionnaire, en cas de modifications importantes ou de dépôt tardif de pièces, il existe désormais un risque de report du délai d’instruction qui reste à mesurer au cas par cas.