Les autorisations d’urbanisme, permis de construire, permis d’aménager, déclaration préalable et permis de démolir, ne peuvent être délivrés que si le projet est conforme aux règles d’urbanisme, comme le prévoit l’article L.421-6 du code de l’urbanisme.
En cas de déclaration préalable, l'autorité administrative compétente doit ainsi s'opposer à cette déclaration ou imposer des prescriptions si le projet n’est pas conforme aux règles d’urbanisme (article L.421-7 du code de l’urbanisme).
Ce principe de conformité est rappelé par le Conseil d’Etat :
“ (...) 2. Il résulte de ces dispositions qu’il revient à l’autorité administrative compétente en matière d’autorisations d’urbanisme de s’assurer de la conformité des projets qui lui sont soumis aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l’article L. 421-6 et de n’autoriser, sous le contrôle du juge, que des projets conformes à ces dispositions. (...) ” (CE, avis, Section, 11 avril 2025, Société AEI Promotion, n°498803, Lebon).
Au cas présent, le pétitionnaire avait introduit un recours en annulation contre un refus de permis de construire.
Il soutenait notamment que l’administration aurait dû accorder ce permis de construire en l’assortissant au besoin des prescriptions nécessaires à assurer la conformité de son projet aux règles d’urbanisme.
Le Tribunal administratif a sursis à statuer et demandé l’avis du Conseil d’Etat cette question, en application de l’article L.113-1 du code de justice administrative :
“Un pétitionnaire qui, en dehors de toutes dispositions législatives et réglementaires prévoyant la possibilité pour l’autorité compétente d’assortir son autorisation d’urbanisme de prescriptions spéciales, se voit opposer un refus de permis de construire ou une opposition à déclaration préalable, peut-il se prévaloir, devant le juge, de ce que, bien que son projet méconnaisse les dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect, cette dernière aurait pu ou dû lui délivrer cette autorisation en l’assortissant de prescriptions ?”
Le Conseil d’Etat rappelle que le pétitionnaire peut apporter des modifications à son projet pendant l’instruction à certaines conditions temporelles et matérielles.
Ces conditions avaient été définies dans la décision “Commune de Gorbio” (CE, 1er décembre 2023, commune de Gorbio, n°448905, Lebon ; voir notre article à ce sujet : “Modification du projet en cours d’instruction : conditions et effets”).
Le Conseil d’Etat rappelle que le pétitionnaire peut apporter des modifications pendant l’instruction tant qu’une décision expresse ou tacite n’est pas intervenue et tant qu’elles ne changent pas la nature même du projet :
“ (...) 3. En l’absence de dispositions y faisant obstacle, il est loisible au pétitionnaire, le cas échéant après que l’autorité administrative compétente lui a fait part des absences de conformité de son projet aux dispositions mentionnées à l’article L. 421-6, d’apporter à ce projet, pendant la phase d’instruction de sa demande et avant l’intervention d’une décision expresse ou tacite, des modifications qui n’en changent pas la nature, en adressant une demande ou en complétant sa déclaration en ce sens accompagnée de pièces nouvelles qui sont intégrées au dossier afin que la décision finale porte sur le projet ainsi modifié. (...)” (CE, avis, Section, 11 avril 2025, Société AEI Promotion, n°498803, Lebon).
La modification du projet en cours d’instruction étant en principe sans incidence sur les délais d’instruction et la date de naissance d’un permis tacite.
Toutefois, si du fait de l’objet, de l’importance ou de la date à laquelle ces modifications sont présentées, l’instruction de ces modifications ne peut être menée à bien dans le délai initial, l’administration est alors regardée comme saisie d’une nouvelle demande se substituant à la demande initiale. Ce qui fait courir un nouveau délai d’instruction (CE, 1er décembre 2023, commune de Gorbio, n°448905, Lebon).
Dans le présent avis, le Conseil d’Etat précise que ces modifications peuvent intervenir après que l’administration ait fait part des non-conformités au pétitionnaire.
L’objectif étant que le demandeur modifie son projet en cours d’instruction afin de le rendre conforme aux règles d’urbanisme.
Sans aucune obligation cependant.
L’administration peut faire part des non-conformités au pétitionnaire, sans aucune obligation.
Le Conseil d’Etat va plus loin.
L’administration a la faculté d’accorder le permis de construire en l’assortissant de prescriptions permettant d’assurer sa conformité aux règles d’urbanisme.
Dans ce cas, ces prescriptions ne peuvent qu'entraîner des modifications sur des points précis et limités ne nécessitant pas la présentation d’un nouveau projet.
Il s’agit d’une simple faculté, l’administration n’étant jamais tenue de procéder à une telle vérification pour refuser un permis de construire :
“ (...) 4. L’autorité administrative compétente dispose également, sans jamais y être tenue, de la faculté d’accorder le permis de construire ou de ne pas s’opposer à la déclaration préalable en assortissant sa décision de prescriptions spéciales qui, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d’un nouveau projet, ont pour effet d’assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect. (...) ” (CE, avis, Section, 11 avril 2025, Société AEI Promotion, n°498803, Lebon).
Le Conseil d’Etat en déduit que le pétitionnaire ne peut se prévaloir de ce que l’administration aurait dû lui délivrer le permis de construire sollicité assorti de prescriptions spéciales pour contester la légalité de la décision de refus :
“ (...) 5. Le pétitionnaire auquel est opposée une décision de refus de permis de construire ou d’opposition à déclaration préalable ne peut utilement se prévaloir devant le juge de l’excès de pouvoir de ce que l’autorité administrative compétente aurait dû lui délivrer l’autorisation sollicitée en l’assortissant de prescriptions spéciales. (...) ” (CE, avis, Section, 11 avril 2025, Société AEI Promotion, n°498803, Lebon).
Certaines dispositions du code de l’urbanisme se réfèrent aux prescriptions.
Tel est notamment le cas de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme selon lequel :
“Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations”.
Le Conseil d’Etat avait, à propos de ces dispositions, jugé que l’administration ne peut refuser un permis de construire que s’il n’est pas possible d’accorder ce permis en l’assortissant de prescriptions spéciales :
“ (...) 3. En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect. (...)” (CE, 26 juin 2019, n°412429, Publié au recueil Lebon).
L’administration était donc tenue de vérifier si des prescriptions pouvaient ou non permettre d’assurer la conformité du projet à l’article R.111-2 du code de l’urbanisme.
L’avis “Société AEI Promotion” (CE, avis, Section, 11 avril 2025, Société AEI Promotion, n°498803, Lebon) signifie-t-il que le Conseil d'Etat a abandonné cette jurisprudence ?
Il nous semble que oui, sans certitude cependant en l’absence d’indication expresse sur ce point.
Deux éléments nous semblent aller en ce sens.
L’avis “Société AEI Promotion” souligne que l’administration n’est “jamais tenue” de vérifier si des prescriptions peuvent ou non permettre d’assurer la conformité du projet.
L’analyse publiée sur la base Ariane Web du Conseil d'Etat indique de plus un abandon de jurisprudence s'agissant de la décision de 2019 :
“(3) Ab. jur., faisant obligation à l'administration de rechercher s'il est possible d'autoriser, en l'assortissant de prescriptions complémentaires, un projet de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, CE, 26 juin 2019, , n° 412429, p. 245.”.
Ce point reste cependant à confirmer au regard des décisions à venir.
L’administration a la faculté d’accorder un permis de construire en l’assortissant de prescriptions permettant d’assurer sa conformité aux règles d’urbanisme.
Il s’agit d’une faculté, l’administration n’étant jamais tenue de procéder à une telle vérification pour refuser un permis de construire.
Le pétitionnaire ne peut donc se prévaloir de ce que l’administration aurait dû lui délivrer le permis de construire sollicité assorti de prescriptions spéciales pour contester la légalité de la décision de refus.
L’administration peut également informer le pétitionnaire des non-conformités relevées pendant l’instruction.
A charge pour le pétitionnaire de modifier son projet afin de le rendre conforme aux règles d’urbanisme.
Cette décision nous semble équilibrée au regard des rôles respectifs de l’administration et du demandeur. Une décision contraire aurait forcé le rôle de l’administration. Elle n’est “que” l’administration. Il lui revient d’instruire et de s’assurer du respect des règles d’urbanisme. Il ne lui revient pas de forcer un projet pour le rendre conforme aux règles d’urbanisme. Cette responsabilité n’appartient qu’au demandeur.