Dans le domaine de la construction, les désordres et malfaçons donnent fréquemment lieu à des contentieux.
Afin de résoudre ces litiges rapidement et d’éviter une procédure judiciaire longue et couteuse, les parties sont souvent tentées de recourir directement à une expertise amiable.
Ce type d’expertise, bien que réalisé en dehors de tout cadre judiciaire, vise à évaluer techniquement les désordres ou les malfaçons en cause et à faciliter un règlement amiable du différend.
Cependant, la question de la valeur probatoire de ces rapports d'expertise amiable se pose avec acuité dans le cadre de contentieux. Peuvent-ils être retenus par le juge comme preuve suffisante ?
Il est de jurisprudence constant que, hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de celles-ci (Cass., 2e Civ., 13 septembre 2018, n° 17-20.099 ; Cass., 3e Civ., 14 mai 2020, n° 19-16.278).
De même, il a récemment été jugé par la Cour d’appel de Paris que deux rapports d’expertise amiable, établis au contradictoire, mais rédigés par le même expert n’est pas suffisant :
« Ces rapports d'expertise amiable, rédigés par le même expert à la demande de l'assureur qui a choisi ce dernier non contradictoirement, même établis en présence des parties, ne peuvent suffire à établir l'existence et l'ampleur des désordres affectant l'immeuble, ni leur nature, dès lors qu'ils ne sont corroborés par aucun autre élément versé aux débats. » (CA Paris, 17 janvier 2025, n°22/05000)
Par une décision du 16 janvier 2025, la Cour de cassation est venue préciser que si deux rapports d’expertise amiable établis par deux experts distincts se corroborent entre eux et qu’ils sont appuyés par d’autres documents techniques (devis dans le cas présent), ils peuvent alors être pris en compte par le juge pour fixer le montant des réparations :
« 7. Ayant, par ces seuls motifs, fait ressortir que les deux rapports d'expertise amiable établis par deux experts distincts à la demande du maître de l'ouvrage se corroboraient l'un l'autre et que le chiffrage de ces travaux proposé par l'un des experts était en adéquation avec celui du devis établi cinq ans auparavant par un entrepreneur, elle a souverainement déduit, motivant sa décision, sans violer le principe de la contradiction, ni être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, que le coût des travaux de reprise des désordres devait être fixé à la somme de 70 000 euros HT, à laquelle s'ajoutait la taxe sur la valeur ajoutée. » (Cass. civ. 3ème, 16 janvier 2025, 23-15.877)
Si l’expertise amiable peut sembler une solution rapide et économique pour évaluer des désordres en matière de construction, elle reste fragile sur le plan probatoire en cas de contentieux.
A moins d’être corroborée par d’autres éléments de preuves (tels que des devis, constats d’huissier, factures de travaux ou encore un autre rapport d’expertise amiable établi par un expert distinct du premier), le recours à une expertise judiciaire doit donc être privilégié, afin de s’assurer que les constatations techniques puissent pleinement être prises en compte par le juge.