Le Conseil d’Etat censure en partie l’article R.101-1 du code de l’urbanisme en ce que le Gouvernement n’a pas établi l’échelle à laquelle apprécier l’artificialisation des sols (CE, 4 octobre 2023, association des maires de France, n°465341).
L’article L.101-2-1 du code de l’urbanisme, issu de l’article 192 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (loi Climat), donne une définition succincte des sols artificialisés et prévoit les conditions dans lesquelles les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols doivent être fixés dans les documents de planification et d’urbanisme.
Ce même article renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin d’en fixer les conditions d’application et d’établir “une nomenclature des sols artificialisés ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme”.
C’est sur ce fondement qu’a été pris le décret n°2022-763 du 29 avril 2022 relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme, dont les dispositions sont codifiées à l’article R.101-1 du code de l’urbanisme.
L’association des maires de France en demandait l’annulation devant le Conseil d’Etat.
L’article R.101-1 du code de l’urbanisme classe différentes surfaces entre surfaces artificialisées et non artificialisées au sein d’une nomenclature annexée (huit catégories de surfaces au total dont, par exemple, les surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison du bâti, surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison d’un revêtement, surfaces à usage de cultures, qui sont végétalisées etc.).
Notons que cette nomenclature devrait évoluer, un projet de décret relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols ayant en ce sens été soumis à consultation publique au début de l’été.
Le classement des différentes surfaces devant être “effectué selon l’occupation effective du sol observée, et non selon les zones ou secteurs délimités par les documents de planification et d’urbanisme” (article R.101-1 du code de l’urbanisme).
L’article R.101-1 du code de l’urbanisme définit de plus “le seuil minimal de référence, c’est-à-dire l’échelle (ou l’unité de surface) à prendre en compte pour apprécier l’artificialisation du sol” (conclusions Nicolas AGNOUX sur CE, 4 octobre 2023, association des maires de France, n°465341).
Ce même article ajoutait en ce sens que l’occupation effective du sol devait être mesurée “à l’échelle de polygones dont la surface est définie en fonction de seuils de référence précisés par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme selon les standards du Conseil national de l’information géolocalisée.”
Le Conseil d’Etat censure ce dernier dispositif en considérant que le Gouvernement n’a pas établi l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme :
“(…) 4. En se référant à la simple notion de » polygone « , et en renvoyant, pour la définition de la surface de ces derniers, à un arrêté du ministre chargé de l’urbanisme et aux standards du Conseil national de l’information géographique, lesquels ne font pas l’objet d’une définition par décret en Conseil d’Etat, les auteurs du décret attaqué ne peuvent être regardés comme ayant établi, comme il leur appartenait de le faire en application des dispositions citées ci-dessus du dernier alinéa de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme, l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme. Par suite, l’association requérante est fondée à demander l’annulation du 2ème alinéa du II de l’article R. 101-1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction résultant du décret attaqué. (…)” (CE, 4 octobre 2023, association des maires de France, n°465341).
Ces dispositions sont donc annulées.
Attention, les autres dispositions de l’article R.101-1 du code de l’urbanisme restent en vigueur.
Par une autre décision du même jour, le Conseil d’Etat rejette en outre le second recours introduit par l’AMF, cette fois contre le décret n°2022-762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, à savoir le décret définissant les conditions dans lesquels les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols sont intégrés aux SRADDET (CE, 4 octobre 2023, association des maires de France, n°465343).
Rappelons que les SRADDET doivent intégrer les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et de réduction de la consommation des ENAF d’ici février 2024 au plus tard, afin de permettre aux SCOT et PLU d’intégrer eux-mêmes ces objectifs d’ici février 2027 et février 2028 respectivement.
Par Axel Bertrand, avocat associé