Concertation et Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU)

Le NPNRU se traduit par la conclusion de conventions pluriannuelles de projet de renouvellement urbain qui définissent le contenu exact de chaque programme et ses modalités de financement. Ces conventions sont soumises à concertation préalable à plusieurs titres, concertation qui est source d’insécurité juridique. Il est donc indispensable de sécuriser au maximum la procédure. 

Le Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU) est issu de la loi n°2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine dite “Loi Lamy” (articles 3 et 4 de la loi du 21 février 2014).

Son cadre juridique a été intégré à la loi n°2003-710 du 1 août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, laquelle prévoyait déjà les modalités de mise en œuvre du Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU). 

Le NPNRU est un programme d’intervention prévu, sur la période 2014-2026, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), en priorité dans les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants, par des projets de renouvellement urbain (article 9-1 de la loi du 1 août 2003).

La liste des QPV a été arrêtée dans sa dernière version par le décret n°2015-1138 du 14 septembre 2015 rectifiant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Quant aux quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants, ils sont définis par l’arrêté du 20 novembre 2018 relatif à la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants et visés à titre complémentaire par le nouveau programme national de renouvellement urbain.

Le NPNRU se veut participer à la réalisation de certains objectifs comme la lutte contre les inégalités, garantir aux habitants des quartiers défavorisés l’égalité réelle d’accès aux droits, agir pour le développement économique, ou encore agir pour l’amélioration de l’habitat (article 9-1 de la loi du 1 août 2003).

Il se traduit en pratique par des opérations d’aménagement urbain comprenant par exemple : 

  • la création et la réhabilitation d’espaces publics ;
  • la réhabilitation, la résidentialisation, la démolition et la production de logements ;
  • la création, la réhabilitation et la démolition d’équipements publics ou collectifs ;
  • la création et la réorganisation d’espaces d’activité économique et commerciale.

Il doit également contribuer à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments et à la transition écologique des quartiers concernés.

Sur le plan formel, le NPNRU implique la conclusion de conventions pluriannuelles entre, d’une part, l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) et, d’autre part, les collectivités territoriales, EPCI compétents et organismes publics ou privés qui conduisent des opérations concourant au renouvellement urbain dans les quartiers concernés. 

Ces conventions définissent le contenu exact du programme de renouvellement urbain dans le quartier ainsi que les modalités de financement provenant notamment de l’ANRU (article 10-3 de la loi du 1er août 2003).

L’ANRU, un EPIC national ayant pour mission de contribuer à la réalisation du NPNRU en accordant des concours financiers aux parties prenantes, est en effet dotée d’une enveloppe de 12 milliards d’euros pour la mise en oeuvre du NPNRU (article 9-2 de la loi du 1er août 2003).

Ces concours financiers sont directement destinés à la réalisation des opérations d’aménagement urbain dans les QPV (article 10-3 de la loi du 1er août 2003).

La signature de la convention pluriannuelle est toutefois le point final d’une longue procédure qui soulève de nombreuses questions juridiques. 

L’une d’entre elles concerne l’organisation et la mise en œuvre de la concertation avec les habitants des quartiers concernés. 

Le plus souvent, ces projets sont d’ores et déjà soumis à concertation au stade opérationnel, lorsqu’ils se traduisent par exemple par une Zone d’Aménagement Concertée (ZAC) ou une opération d’aménagement soumise à concertation (article L.103-2 du code de l’urbanisme). 

Pour les projets de renouvellement urbain conçus dans le cadre du NPNRU, cette concertation est insuffisante. 

En effet, les conventions pluriannuelles de projets de renouvellement urbain conclues dans le cadre du NPNRU sont elles-mêmes soumises au respect d’une procédure de concertation préalable. 

Celle-ci doit être organisée et se dérouler avant que la signature de la convention ne soit autorisée. Ce qui suppose que des modalités de concertation suffisamment précises aient été définies en amont.

Trois volets de concertation sont prévus par les textes, cumulatifs et indépendants, dont les modalités ne sont susceptibles de ne se  recouper qu’en partie.

Il s’agit de la concertation “Loi Lamy” (I.), de la concertation prévue par le règlement général de l’ANRU (II.) et de la concertation issue du code de l’urbanisme (III.). 

1. La concertation « Loi Lamy”

L’article 9-1 de la loi du 1 août 2003 issu de l’article 3 de la loi Lamy prévoit les modalités de concertation suivantes :

« (…) III. ― Les habitants ainsi que des représentants des associations et des acteurs économiques sont associés à la définition, à la mise en œuvre et à l’évaluation des projets de renouvellement urbain, selon les modalités prévues dans les contrats de ville. Chaque projet de renouvellement urbain prévoit la mise en place d’une maison du projet permettant la coconstruction du projet dans ce cadre. (…) ».

Les habitants ainsi que des représentants des associations et des acteurs économiques doivent donc être associés à la définition de tout projet de renouvellement urbain selon les modalités prévues dans les contrats de ville. 

Ces contrats sont conclus à l’échelle intercommunale entre l’Etat, les communes et EPCI concernés pour la mise en œuvre de la politique de la ville (article 6 de la loi du 21 février 2014).

Il faut donc se reporter au cas par cas, projet par projet, aux modalités de concertation prévues par les contrats de ville, lesquelles doivent être scrupuleusement respectées. 

Etant précisé que ces modalités doivent non seulement permettre aux habitants de participer à la coconstruction du projet – ce qui est là tout l’objet d’une procédure de concertation – mais aussi à “des représentants des associations et des acteurs économiques”, sans plus de précisions.

Une maison du projet doit également être mise en œuvre. 

Faut-il encore qu’elle permette effectivement la coconstruction du projet. Il ne suffit donc pas d’ouvrir matériellement un lieu revêtant cette appellation. A notre sens, ce lieu doit notamment être ouvert sur des plages horaires suffisantes et contenir une information adéquate et actualisée. Cela suppose aussi que les habitants aient été suffisamment informés de son existence.

2. La concertation du règlement général de l’ANRU

L’article 1.3 du Titre Ier du règlement de l’ANRU, tel qu’approuvé par l’arrêté du 24 août 2021 portant approbation des modifications du règlement général de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine relatif au NPNRU, prévoit que les habitants du quartier doivent être associés à toutes les étapes du projet selon des modalités extrêmement précises :

participation des habitants – la co-construction du projet 

Les habitants et usagers du quartier, notamment les représentants des associations de locataires présentes sur le quartier, sont parties prenantes du projet de renouvellement urbain. Ils sont associés à toutes ses étapes, dans une dynamique de co-construction : partage du diagnostic préalable, élaboration du projet, suivi des réalisations, évaluation des résultats du projet. Des représentants des conseils citoyens mis en place dans le cadre des contrats de ville participent aux instances de pilotage du projet de renouvellement urbain. » 

Les habitants et les représentants des associations de locataires présentes sur le quartier concerné doivent donc être associés à toutes les étapes du projet de renouvellement urbain, dès le diagnostic préalable et la phase d’élaboration.

Ce texte laisse une marge de manœuvre certaine pour définir les modalités précises de concertation.

Il va cependant bien plus loin que la concertation “loi Lamy” (I.) puisque les intéressés sont qualifiés de “parties prenantes du projet de renouvellement urbain” et doivent être associés à toutes ses étapes. 

Selon nous, il ne s’agit donc pas seulement d’organiser quelques réunions de concertation ou de publier quelques bulletins d’information qui présenteraient un hypothétique projet pensé au début du processus de réflexion. 

Ce texte impose en effet que les habitants et les représentants des associations de locataires aient la possibilité de contribuer à la coconstruction du projet et son évolution par différentes formes, tout au long de la procédure.

Si le projet est amené à évoluer, cela suppose à notre sens que les intéressés soient mis à même de se prononcer sur la nouvelle version du projet. Sans quoi ils ne peuvent en tout état de cause être qualifiés de “parties prenantes du projet de renouvellement urbain”.

Des représentants des conseils citoyens mis en place dans le cadre des contrats de ville doivent en outre impérativement participer à chaque instance de pilotage du projet de renouvellement urbain.

3. La concertation du code de l’urbanisme

L’article 4 de la Loi Lamy a soumis les projets de renouvellement urbain au respect d’une procédure de concertation préalable au titre de l’ancien article L.300-2 du code de l’urbanisme : 

« I. ― Le I de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme est complété par un 4° ainsi rédigé : « 4° Les projets de renouvellement urbain. » (…) ».

Ces dispositions ont été recodifiées à l’article L.103-2 du code de l’urbanisme par l’ordonnance n°2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l’urbanisme

L’article L.103-2 du code de l’urbanisme en vigueur dispose désormais que : 

« Font l’objet d’une concertation associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : (…) 4° Les projets de renouvellement urbain. ».

Les projets de renouvellement urbain définis dans le cadre du NPNRU sont donc soumis à concertation préalable au titre de l’article L.103-2 du code de l’urbanisme.

A notre sens, les modalités de concertation prévues au titre de la concertation “Loi Lamy” et de la concertation du règlement général de l’ANRU sont susceptibles de satisfaire à la concertation préalable prévue par le code de l’urbanisme si elles ont été définies avec suffisamment de précision. 

Ce lien ne va toutefois pas plus loin.

a. D’abord, l’organisation de la procédure de concertation pose question en cas de modification du projet de renouvellement urbain.

La conclusion de la convention pluriannuelle de projet de renouvellement urbain est le point final de ce processus qui suppose au préalable la conclusion d’un protocole de préfiguration et la tenue de comités d’engagement ayant pour objet de valider ou non le projet proposé par les parties prenantes. 

En pratique, un dossier initial est déposé auprès de l’ANRU, lequel comporte une première version du projet de renouvellement urbain. Il est suivi d’un dossier complémentaire qui modifie plus ou moins le projet.

Or, lorsque des modifications apportées à un projet soumis à concertation en changent l’économie générale, une nouvelle concertation doit être organisée :

«  (…) Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le conseil municipal de la commune de Dolus d’Oléron, pour tenir compte des observations formulées, le 19 septembre 2002, par le préfet sur le projet de plan local d’urbanisme du 18 juin 2002 sur quelques points, a modifié celui-ci avant de l’arrêter par une nouvelle délibération en date du 18 janvier 2003 ; qu’en jugeant que les modifications ainsi apportées au projet de plan local d’urbanisme ne portaient pas atteinte à l’économie générale de celui-ci et, par suite, ne rendaient pas nécessaire une nouvelle concertation avant que le projet soit à nouveau arrêté par le conseil municipal en vue d’être soumis à enquête publique, la cour s’est livrée à une appréciation souveraine des faits de l’espèce exempte d’erreur de droit et de dénaturation ; (…) » (CE, 16 mai 2012, n°314564).

Si les modifications apportées au projet initial en changent l’économie générale, une nouvelle procédure de concertation est donc requise au titre du code de l’urbanisme. 

Encore plus, cette jurisprudence n’a pas vocation à s’appliquer aux autres modalités de concertation prévues par les textes (concertations Loi Lamy et règlement général de l’ANRU). 

S’il y a modification du projet, que l’économie générale en soit ou non changée, les habitants et autres acteurs impliqués dans la procédure de concertation devraient donc en être informés et avoir la possibilité d’exprimer leur avis.

Sans quoi ils ne pourraient être considérés comme des “parties prenantes” associées à toutes les étapes de construction du projet de renouvellement urbain. 

b. Ensuite, il n’y a aucun lien entre les différentes concertations sur le plan contentieux.

Le caractère insuffisant de la concertation ne peut être critiqué à l’occasion d’un recours introduit contre la délibération approuvant un PLU (CE, Section, 5 mai 2017, Commune de Saint-Bon-Tarentaisen°388902). 

Se pose la question de savoir si cette jurisprudence, qui concerne les documents d’urbanisme et le recours pour excès de pouvoir, s’applique aux projets de renouvellement urbain, et donc à un recours de plein contentieux qui serait introduit contre une convention pluriannuelle de renouvellement urbain. 

Même si cela devait être le cas, il n’en demeure pas moins que la concertation “loi Lamy” et la concertation du règlement général de l’ANRU ne devraient pas être concernées par la jurisprudence Commune de Saint-Bon-Tarentaise. 

L’insuffisance de la concertation, au regard des modalités de concertation prévues par la Loi Lamy et le règlement général de l’ANRU (I. et II.), pourrait donc parfaitement être soulevée à l’occasion d’un recours contre la convention pluriannuelle. 

Dans tous les cas, même à considérer que la légalité de la convention pluriannuelle ne puisse être critiquée au regard du caractère insuffisant de la concertation, la concertation doit permettre d’associer effectivement le public à l’élaboration du projet. 

La concertation doit avoir un « effet utile », c’est-à-dire permettre en pratique aux habitants de prendre connaissance du projet et de formuler leurs observations. Des mesures dites de concertations, qui n’en auraient que le nom, ne peuvent donc tenir lieu de concertation lorsqu’elles ne permettent pas au public de s’associer à l’élaboration du projet, comme l’a récemment jugé le Tribunal administratif de Melun :

« 6. (…) qu’il résulte de ces dispositions que la légalité d’une délibération approuvant un plan local d’urbanisme ne saurait être contestée au regard des modalités de la procédure de concertation qui l’a précédée dès lors que celles-ci ont respecté les modalités définies par la délibération prescrivant l’élaboration de ce document d’urbanisme ; que de telles modalités ne sauraient être regardées comme ayant été respectées si, bien que formellement exécutées, elles l’ont été dans des conditions les privant de tout effet utile et n’ont, ainsi, pas permis d’associer réellement le public à l’élaboration du projet de plan local d’urbanisme ; (…) (TA Melun, 2 février 2018, n°1309483).

Le public ne peut en effet formuler ses observations que s’il le fait en connaissance de cause, ce qui suppose qu’il ait été préalablement et suffisamment informé.

Enfin, il faut impérativement que les modalités de la concertation définies au préalable soient scrupuleusement respectées et que la collectivité soit en capacité d’en apporter la preuve.

En conclusion :

Le cadre juridique du NPNRU et des conventions de projet de renouvellement urbain est source d’une grande insécurité juridique au regard notamment de la procédure de concertation et des enjeux liés à la mise en oeuvre de ces projets. 

Par Axel Bertrand, Avocat associé