La jurisprudence « CZABAJ » s’applique au recours en contestation de la validité d’un contrat administratif

CE, 7e et 2e ch. réunies, 19 juill. 2023, req. n° 465308 

 

Le Conseil d’Etat étend l’application de la jurisprudence « CZABAJ » aux recours en contestation de la validité d’un contrat administratif.

Le Ministre de la défense avait lancé une procédure de passation d’un marché public de fourniture d’heures de vol d’aéronef pour assurer des essais de matériel et l’entrainement des forces de la marine nationale. La société SEATEAM AVIATION, dont l’offre avait été rejetée, sollicitait l’annulation de ce marché devant la juridiction administrative.

 

Se posait à cette occasion la question de savoir si la jurisprudence « CZABAJ » s’applique au recours en contestation de la validité d’un contrat administratif (recours « Tarn-et-Garonne »).

 

Pour mémoire, la décision « Tarn et Garonne » (CE, Assemblée, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, req. n°358994) a élargi les tiers recevables à contester un contrat administratif tout en restreignant le champ des moyens opérants. Le délai de recours étant de 2 mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité requises :

 

« Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. » (CE, Assemblée, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, req. n°358994)

 Ce délai est rappelé par le Conseil d’Etat :

 

« Ce délai de deux mois ne peut commencer à courir que si ces mesures indiquent au moins l’objet du contrat et l’identité des parties contractantes ainsi que les coordonnées, postales ou électroniques, du service auprès duquel le contrat peut être consulté. » (CE, 7e et 2e ch. réunies, 19 juill. 2023, req. n° 465308)

 

Le Conseil d’Etat rappelle de plus sa jurisprudence « CZABAJ » (CE, Assemblée, 13 juillet 2016, CZABAJ, req. n°387763).

 

Selon cette décision, le délai de recours contentieux de 2 mois n’est pas opposable au requérant si les mesures de publicité appropriée n’ont

pas été faites. Un recours peut dans ce cas être exercé dans d’un délai raisonnable fixé, sauf circonstances particulières, à « un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance ».


Le Conseil d’Etat étend cette jurisprudence au recours en contestation de validité d’un contrat administratif :


« le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que la validité d’un contrat administratif puisse être contestée indéfiniment par les tiers au contrat. Dans le cas où, faute que tout ou partie des mesures de publicité appropriées mentionnées au point précédent aient été accomplies, le délai de recours contentieux de deux mois n’a pas commencé à courir, le recours en contestation de la validité du contrat ne peut être présenté au-delà d’un délai raisonnable à compter de la date à laquelle il est établi que le requérant a eu connaissance, par une publicité incomplète ou par tout autre moyen, de la conclusion du contrat, c’est-à-dire de son objet et
des parties contractantes. En règle générale et sauf circonstance particulière dont se prévaudrait le requérant, un délai excédant un an ne peut être regardé comme raisonnable.
 » (
CE, 7e et 2e ch. réunies, 19 juill. 2023, req. n° 465308)


Au cas présent, le délai de droit commun de deux mois n’était pas opposable au recours en contestation de la validité du contrat
formé par la société SEATEAM AVIATION devant le tribunal administratif « en l’absence de publicité suffisante des modalités de consultation du contrat
 ».


Le Conseil d’Etat rejette néanmoins le pourvoi de la concurrente évincée au motif que « ce recours était […] tardif pour avoir été
introduit au-delà d’un délai d’un an à compter de la publication au BOAMP, le 9 octobre 2010, d’un avis d’attribution du contrat qui indiquait sa conclusion, c’est-à-dire son objet et l’identité des parties contractantes
 ».


Les conclusions du rapporteur public précisent que cette extension de la jurisprudence « CZABAJ » vaut tant pour les recours formés sous
l’empire de la jurisprudence « TROPIC TRAVAUX » que pour les recours s’inscrivant dans la jurisprudence « TARN ET GARONNE » (conclusions Nicolas LABRUNE sur CE, 7e et 2e ch. réunies, 19 juill. 2023, req. n° 465308).

 

Elles précisent par ailleurs les deux cas dans lesquels le délai d’un an pourrait être opposé au requérant dans le cadre du recours en contestation de la validité d’un contrat :


– l’hypothèse dans laquelle « des mesures de publicité du contrat auront été accomplies et permettront que le requérant ait eu connaissance de l’objet du contrat et de l’identité des parties […] mais ne permettront pas pour autant d’avoir fait courir le délai de recours standard, faute d’indiquer les modalités de consultation du contrat » ;


– le cas dans lequel « le délai de recours n’aura pas couru faute qu’ait été accomplie la moindre mesure de publicité, mais où il sera établi que le requérant avait bien connaissance de la conclusion du contrat, par exemple par un courrier qui lui aurait été adressé par la personne publique, par un article de presse, voire par la constatation de l’exécution matérielle du contrat. »


Cette décision s’inscrit dans le prolongement de l’extension jurisprudentielle de l’application de la jurisprudence « CZABAJ ».


Depuis 2016, cette jurisprudence a en effet été étendue à de nombreux contentieux et notamment à celui :

Par Hélène SAUNOIS, avocate associée 

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