Le Conseil d’Etat juge que si l’autorisation de régularisation produite dans le cadre d’un sursis à statuer régularise l’autorisation initiale, elle peut elle-même faire l’objet d’un sursis à statuer dans le cas où elle est affectée d’un vice qui lui est propre. En revanche, si l’autorisation produite ne permet pas de régulariser l’autorisation initiale, le juge administratif ne peut pas prononcer un nouveau sursis à statuer (CE, Section, 14 octobre 2024, société Saint-Saturnin Roussillon Ferme, n°471936, Lebon).
Le sursis à statuer prévu par l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme
Lorsqu’un vice qui entache d’illégalité une autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé et que les autres moyens soulevés ne sont pas fondés, le juge administratif doit surseoir à statuer sur le recours en annulation formé contre cette autorisation (article L.600-5-1 du code de l’urbanisme).
Dans ce cas, le juge administratif fixe un délai pour cette régularisation, délai dans lequel le bénéficiaire peut produire une mesure de régularisation, après avoir invité les parties à présenter leurs observations :
« Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L.600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. » (article L.600-5-1 du code de l’urbanisme).
Au cas présent, le Conseil d’Etat rappelle d’abord une jurisprudence bien établie.
Le prononcé d’un sursis à statuer est une obligation pour le juge administratif dès lors que les conditions permettant d’en bénéficier sont réunies, sauf dans deux hypothèses.
La première : si les conditions de l’annulation partielle prévues par l’article L.600-5 du code de l’urbanisme sont réunies et que le juge fait le choix d’y recourir.
La seconde : si le bénéficiaire de l’autorisation lui a indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation :
“ (…) 7. En premier lieu, il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée, sont susceptibles d’être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme. Le juge n’est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d’une part, si les conditions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme sont réunies et qu’il fait le choix d’y recourir, d’autre part, si le bénéficiaire de l’autorisation lui a indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation. (…)” (CE, Section, 14 octobre 2024, société Saint-Saturnin Roussillon Ferme, n°471936, Lebon).
Le Conseil d’Etat apporte ensuite plusieurs précisions sur la possibilité pour le juge administratif de prononcer un nouveau sursis à statuer, cette fois sur l’autorisation produite par le bénéficiaire afin de régulariser l’autorisation initiale.
Le juge administratif doit-il de nouveau surseoir à statuer si l’autorisation de régularisation est entachée d’un vice qui lui est propre ?
Il s’agit ici de l’hypothèse où, dans le cadre d’un sursis à statuer, le bénéficiaire produit une autorisation qui permet de régulariser l’autorisation initiale mais qui est entachée d’un vice qui lui est propre (ce vice n’affectait donc pas l’autorisation initiale).
Dans ce cas, le Conseil d’Etat précise que le juge administratif est soumis aux mêmes règles que celles applicables au sursis à statuer sur l’autorisation initiale.
Il doit donc surseoir à statuer dans les mêmes conditions :
“ (…) Il en va de même lorsque le juge constate que la légalité de l’autorisation d’urbanisme prise pour assurer la régularisation de ce premier vice est elle-même affectée d’un autre vice, qui lui est propre. Il lui appartient alors de surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi, en invitant au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de cette nouvelle autorisation, sauf si les conditions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme sont réunies et qu’il fait le choix d’y recourir, ou si le bénéficiaire de l’autorisation lui a indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation. (…)” (CE, Section, 14 octobre 2024, société Saint-Saturnin Roussillon Ferme, n°471936, Lebon).
Le juge administratif doit-il de nouveau surseoir à statuer si l’autorisation produite n’est pas de nature à régulariser le vice qui affecte l’autorisation initiale ?
Il s’agit ici de l’hypothèse où, dans le cadre d’un sursis à statuer, le bénéficiaire produit une autorisation visant à régulariser l’autorisation initiale, sans succès : l’autorisation obtenue ne permet pas cette régularisation.
Dans ce cas, le Conseil d’Etat précise que le juge administratif doit annuler l’autorisation initiale sans prononcer un nouveau sursis à statuer :
“ (…) Lorsqu’une mesure de régularisation a été notifiée au juge après un premier sursis à statuer, et qu’il apparaît, au vu des pièces du dossier, que cette mesure n’est pas de nature à régulariser le vice qui affectait l’autorisation d’urbanisme initiale, il appartient au juge d’en prononcer l’annulation, sans qu’il y ait lieu de mettre à nouveau en œuvre la procédure prévue à l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme pour la régularisation du vice considéré. (…)” (CE, Section, 14 octobre 2024, société Saint-Saturnin Roussillon Ferme, n°471936, Lebon).
Conclusion
En définitive, si l’autorisation de régularisation produite dans le cadre d’un sursis à statuer régularise bien l’autorisation initiale, elle peut elle-même faire l’objet d’un sursis à statuer dans le cas où elle est affectée d’un vice qui lui est propre.
En revanche, si l’autorisation de régularisation ne permet pas de régulariser l’autorisation initiale, le juge administratif ne peut pas prononcer un nouveau sursis à statuer.
Dans le cadre d’un sursis à statuer, il n’existe donc pas de deuxième chance pour le bénéficiaire si l’autorisation de régularisation (qui n’en a donc que le nom) ne satisfait pas à son objet : régulariser l’autorisation initiale.