Cass., civ. 3ème, 19 octobre 2023, n° 22-18.825
En l’absence de maître d’œuvre, l’entreprise de travaux est tenue d’une obligation de conseil à l’égard du maître d’ouvrage sur les différentes techniques de pose et de l’alerter, au regard de la configuration particulière de l’existant, sur le caractère inhabituel et les contraintes esthétiques de la pose en saillie conseillée.
Rappelons que l’entrepreneur est tenu à une obligation d’information et de conseil à l’égard du maître d’ouvrage.
Dans le cas présent, des maîtres d’ouvrage ont confié à une entreprise la réalisation de travaux de remplacement des menuiseries extérieures en bois de certaines façades de leur maison.
Se plaignant de défauts de conformité et de finition apparus en cours de chantier, les maîtres d’ouvrages ont recherché la responsabilité de l’entreprise de travaux notamment pour manquement à son obligation de conseil.
Condamnée par la cour d’appel de Rennes à payer aux maîtres d’ouvrage la somme de 4000 euros au titre du manquement à son devoir de conseil (CA de Rennes, 4ème chambre, 7 avril 2022, n°20/02040), l’entreprise évoquait que « que si le professionnel est débiteur envers son client d’une obligation de conseil et d’information, cette obligation ne s’applique pas aux faits qui sont de la connaissance de tous ou qui sont faciles à connaître, ou encore à l’égard desquels le client devait se renseigner ».
Elle démontrait avoir satisfait à son obligation de conseil, ayant donné aux maîtres d’ouvrage des explications sur la différence entre la pose entre réno-neuf et réno-bois.
Se posait la question de savoir si l’entrepreneur avait manqué à son obligation de conseil malgré ces explications données aux maîtres d’ouvrage ?
La Cour de cassation répond par l’affirmative et considère :
« 5. La cour d’appel a, par motifs propres et adoptés, retenu qu’en l’absence de maître d’oeuvre, la société AFP 29 était tenue d’informer les maîtres de l’ouvrage sur les différentes techniques de pose et de les alerter, au regard de la configuration particulière de l’existant, sur le caractère inhabituel et les contraintes esthétiques de la pose en saillie qu’elle leur conseillait.
6. Puis, elle a relevé que si des explications avaient été données sur la différence entre les poses reno-neuf et reno-bois, la société AFP 29 ne s’était pas rendue compte que les menuiseries en place n’étaient pas posées en saillie, que les dormants existants étaient d’épaisseur variable d’une menuiserie à l’autre et que leur remplacement par des dormants d’épaisseur identique allait créer une esthétique d’ensemble particulièrement critiquable donnant une impression de mauvaise finition, qu’ils ne pouvaient pas anticiper à la seule lecture du devis.
7. Ayant ainsi retenu que la société AFP 29 n’avait pas attiré l’attention des maîtres de l’ouvrage sur le rendu final de la pose en saillie qu’elle préconisait et de ses limites en termes de fabrication de menuiserie, elle a pu en déduire que celle-ci avait manqué à son obligation de conseil. »
L’entrepreneur doit donc veiller à respecter son obligation de conseil à l’égard du maître d’ouvrage dans toute son étendue et ne saurait la limiter à des explications techniques.
Hélène SAUNOIS, Avocate associée