Application du délai raisonnable CZABAJ au contentieux de la communication des documents administratifs

En l’espèce, une société d’édition de sites internet a demandé au ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports de lui communiquer les résultats agrégés par établissement, des évaluations des acquis des élèves de cours préparatoire, cours élémentaire première année, sixième et seconde, pour les années 2016 à 2019.

En l’absence de réponse du ministre dans le délai d’un mois, la société a saisi la CADA.

Postérieurement à la saisine de la CADA, le ministère a refusé de lui communiquer les documents sollicités, sans indication des voies et délais de recours.

La CADA a par suite rendu un avis favorable à la communication des chiffres par établissement.

Après plusieurs relances du ministère, la société a saisi le tribunal administratif aux fins d’obtenir l’annulation de la décision par laquelle le ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports a refusé de lui communiquer les documents sollicités.

Par jugement, le Tribunal administratif a annulé la décision contestée et enjoint au ministre de communiquer, dans le délai de 2 mois, les documents demandés.

Le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse se pourvoit devant le Conseil d’État.

Il soutient notamment que le tribunal a commis une erreur de droit sur le régime de communicabilité applicable. Selon le ministre, les évaluations scolaires ne relèvent pas du régime général du CRPA, mais d’un régime spécifique défini par l’article L. 241-12 du code de l’éducation nationale.

Le Conseil d’État précise que les évaluations des acquis des élèves demandées par la société sont des documents administratifs qui relèvent du régime général d’accès défini par le CRPA :

« 5. Les résultats de l’évaluation d’un établissement d’enseignement conduite en application des dispositions mentionnées au point 3 constituent des documents administratifs dont la communication est régie par les dispositions du livre III du code des relations entre le public et l’administration, indépendamment de la publicité qui en est donnée par l’administration selon les modalités définies par le conseil d’évaluation de l’école sur le fondement du 2° de l’article L. 241-12 du code de l’éducation. Il en va de même des documents qui retracent les résultats des évaluations des acquis des élèves et qui ont, le cas échéant, été utilisés pour conduire l’évaluation des établissements dans lesquels ceux-ci sont scolarisés. »

Le ministre soutient par ailleurs que le tribunal a commis une autre erreur de droit, en jugeant la requête recevable.

Se posait la question de l’application de la jurisprudence Czabaj (CE, 13 juillet 2016, n°387763) au contentieux de l’accès aux documents administratifs.

Le Conseil d’État confirme son application :

« 7. Il résulte des dispositions des articles L. 112-3, L. 112-6, L. 412-3, R*. 311-12, R. 311-13, R. 311-15, et R. 343-3 à R. 343-5 du code des relations entre le public et l’administration, et de celles des articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative que le demandeur dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification de la confirmation du refus de communication de documents administratifs qu’il a sollicités pour en demander l’annulation au tribunal administratif compétent, sous réserve qu’il ait été informé tant de l’existence du recours administratif préalable obligatoire devant la CADA et des délais dans lesquels ce recours peut être exercé que des voies et délais de recours contentieux contre cette confirmation. En l’absence de cette information, le demandeur peut demander l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance. Sauf circonstance particulière, que ne constitue pas la notification de l’avis de la CADA, ce délai ne saurait excéder un an. »

Le délai pour contester une décision de refus de communication de documents administratifs est donc d’un an, sauf circonstance particulière.

Dans le cas présent, le Conseil d’Etat refuse de retenir que l’avis de la CADA rendu postérieurement au refus explicite du ministre constitue une circonstance particulière.

« 13. Le courrier électronique du ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 9 novembre 2020, notifié postérieurement à l’enregistrement de la saisine de la CADA par la société CCM Benchmark, constitue une confirmation du refus de communication implicite né du silence gardé par l’administration, saisie de la demande initiale de communication, dans le délai d’un mois. Si le délai de recours contentieux de deux mois n’a pas commencé à courir faute d’information du demandeur sur les voies et délais de recours, la société a introduit son recours contentieux au-delà du délai raisonnable d’un an qui était en l’espèce applicable en l’absence de circonstances particulières. Le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse est donc fondé à soutenir que les conclusions de la société CCM Benchmark sont tardives et, par suite, irrecevables. »

Le Conseil d’État considère que la société a saisi le tribunal administratif plus d’un an après la décision de refus. Partant, la requête est jugée irrecevable car tardive.

La société dispose néanmoins de la possibilité de réitérer sa demande de communication de documents administratifs auprès du ministre de l’Éducation nationale.

Par Hélène Saunois, avocate associée